vendredi 24 novembre 2017

Y'a pas photo !

S'il est bien un domaine fertile en métaphores, c'est le sport. Dans le billet du 8 septembre 2017, nous évoquions déjà le marquage à la culotte que les acteurs du monde politique empruntent allègrement aux footballeurs. Lorsqu'il arrive à un homme (plus rarement une femme) politique de marquer un but contre son camp, autrement dit de commettre une action préjudiciable à son parti, il risque fort de recevoir un carton rouge de la part de ses amis, voire de se faire tacler par ses adversaires. Le tacle constitue un exemple intéressant où la métaphore ne retient qu'une partie du sens propre du terme ; en effet, un tacle au football est un geste parfaitement admis qui consiste à déposséder son adversaire du ballon via une glissade. Le tacle n'est sanctionné d'un carton jaune, voire d'un carton rouge, que lorsqu'il s'accompagne d'un mauvais geste contraire à l'esprit sportif (coup dans les chevilles par exemple). Mais au sens figuré, un tacle a toujours une connotation négative et traduit une vive critique. Mais attention : tant l'auteur que la victime d'un tacle risque de se retrouver hors-jeu ou de se faire renvoyer dans les cordes ; cette dernière métaphore nous éloigne du ballon rond au profit de la boxe qui se pratique sur un ring entouré précisément desdites cordes dans lesquelles on risque de se faire renvoyer.

Le cyclisme en général et le Tour de France en particulier – appelé aussi la Grande Boucle – ont également enrichi notre langue d'expressions plus imagées les unes que les autres, à commencer par la petite reine pour désigner la bicyclette. L'origine de cette expression serait liée à Wilhelmine d'Orange-Nassau qui devint reine des Pays-Bas à l'âge de 10 ans et était une grande amatrice de bicyclette. De passage à Paris en 1898, elle fut baptisée la Petite Reine par le journal "La France Illustrée" ; par la suite, cette appellation fut conservée pour désigner le véhicule à deux roues qu'affectionnait tant la souveraine. Mentionnons aussi un ouvrage de Pierre Giffard, écrivain et grand reporter français qui a intitulé "La reine bicyclette" un ouvrage paru à la fin du XIXème siècle retraçant l'histoire du vélocipède. Autre métaphore vélocipédique : changer de braquet. Le braquet désigne, sur un vélo, le rapport de multiplication entre le plateau (roue dentée avant au niveau du pédalier) et le pignon (roue dentée du moyeu arrière) : on choisit le braquet le plus approprié, selon que l'on privilégie la vitesse ou la puissance. Quand un gouvernement annonce qu'il va changer de braquet dans son action politique, cela traduit une volonté de changer de rythme, d'accélérer. Souvent, on pourra lire ou entendre que tel ou tel candidat a fait une échappée au cours de la campagne électorale, autrement dit qu'il a distancé ses adversaires. Il est clair qu'il vaut mieux faire la course en tête que se retrouver lanterne rouge en queue de peloton. Cette lanterne rouge, expression couramment employée dans le sport, est une métaphore empruntée au domaine ferroviaire puisque le dernier wagon d'un train arbore un feu de cette couleur (aujourd'hui deux).

Mais tout se joue souvent dans la dernière ligne droite, au cours du fameux sprint final. Lorsque l'arrivée des concurrents se fait dans un mouchoir de poche – autrement dit lorsqu'ils sont très proches les uns des autres – il faut les départager ; c'est là que l'on recourt à la photo-finish, séries de photographies prises selon une technique particulière pour déterminer avec précision le vainqueur de la course (à pied, cycliste, hippique etc.). C'est de là – et plus particulièrement des courses de chevaux – que vient l'expression y'a pas photo. En effet, pour les parieurs, l'ordre d'arrivée des chevaux revêt une importance capitale et, lorsque l'œil humain n'est pas capable de départager les premiers arrivés, la photo ou photo-finish peut faire la fortune ou l'infortune du parieur. En revanche, lorsqu'il n'y a aucun doute sur l'ordre d'arrivée, y'a pas photo ! Cette expression a pris un sens métaphorique lorsqu'on a affaire à deux choses de nature, et généralement de qualité très différente. Entre une confiture achetée dans une épicerie fine de la place de la Madeleine et celle achetée dans une grande surface hard-discount y'a pas photo !

J'espère, chère lectrice, cher lecteur, ne pas vous avoir envoyé au tapis, voire mis KO avec ces considérations linguistico-sportives. Le point (d'exclamation) final de ce billet vous permet d'être sauvé par le gong !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire