Vous avez
réussi à lire le titre de ce billet ? Bravo ! Vous maîtrisez donc ce que l'on
appelle l'écriture inclusive,
laquelle suscite ces temps derniers maintes prises de position, souvent
polémiques. Il y a quelques jours, la vénérable Académie Française voyait dans
cette pratique un péril mortel pour
la langue française. Ce jugement nous paraît bien péremptoire et nous conduira à
dire, avec Talleyrand, que "Tout ce qui est excessif est
insignifiant".
La finalité
de l'écriture inclusive est de
remédier, dans notre langue, à la primauté grammaticale du masculin sur le
féminin. Il n'est pas question de nier cet état de fait, dont les origines
plongent dans la lointaine histoire – très patriarcale – de notre société. Mais
n'est-on pas en train de confondre sexe et genre ? Le sexe est à nos yeux une
réalité à la fois biologique, psychologique et sociologique par laquelle nous
nous définissons dans la société, sachant que le sexe biologique peut parfois être
en contradiction avec son incarnation psychologique. Le genre, en revanche, est
une simple catégorie grammaticale – même si les tenants de la théorie du genre
élargissent considérablement le champ sémantique de ce concept – qui conditionne
le fonctionnement d'une langue. La langue française connaît deux genres, le
féminin et le masculin, l'allemand et l'anglais trois, le féminin, le masculin
et le neutre, et d'autres langues connaissent des régimes plus complexes.
On a de
plus en plus souvent coutume de remplacer l'expression "droits de l'homme" par "droits humains" ou "droits de la personne humaine". Or,
la Déclaration universelle des Droits de
l'Homme (avec un "H" majuscule) considère bien l'homme comme un
membre de l'humanité tout entière (en allemand Mensch et non pas Mann,
bien que les deux termes aient la même étymologie). N'est-ce-pas, en quelque
sorte, faire un procès d'intention que de penser que l'expression droits de l'homme ne viserait que la
moitié masculine de l'humanité ? On pourrait aussi rétorquer que le mot personne (dans droits de la personne humaine) est féminin. On voit très vite que
ces débats ne mènent nulle part.
Si l'on
veut faire coïncider une langue sexuée
avec une langue genrée, il faudra
aussi remédier à cette bizarrerie du français où l'on dit la verge et le
vagin ! Revenons-en à l'écriture inclusive
et à son principal marqueur graphique, le point
milieu ou point médian, comme par
exemple dans les député·e·s ou les acteur·rice·s. La multiplication de ces formes
dans un texte en rend la lecture extrêmement malaisée. L'écriture inclusive risque fort de rendre la
lecture rébarbative. Et que se passe-t-il quand un texte inclusif doit être lu à voix haute ? On voit alors très vite
les limites de la démarche. N'est-il pas plus simple d'écrire et de dire celles et ceux, les députés – hommes et femmes -, les actrices et les acteurs etc.
? Cela fonctionne très bien à l'oral et n'alourdit qu'à la marge le texte
écrit, et beaucoup moins en tout cas qu'une phrase comme celle-ci : "les auteur·e·s jugent que leurs lecteur·rice·s
sont spéciaux·ales".
Et que
faire des mots dont la forme grammaticale féminine a un sens totalement
différent du masculin : une marine
est autre chose qu'une femme marin
(un marine existe aussi dans l'armée
américaine), une carabine n'a rien à
voir avec un carabin et, si un matelot est capable de nous cuisiner une
succulente matelote, cette dernière
ne désigne pas une femme exerçant son métier sur un bateau, mais un plat à base
de poisson. Enfin, la prochaine fois que je rencontrerai mon avocate, je ne
suis pas certain qu'elle serait ravie que je l'appelle maîtresse !
Edgar, pour une fois que je regarde Facebook, je tombe sur votre excellent article, fond et forme. C'est mesuré, et plein de bon sens. J'abonde ! Bravo.
RépondreSupprimerChristopher (Thiéry)
Merci, cher Christopher, pour votre commentaire et vos encouragements.
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