mercredi 15 juillet 2020

Même pas peur !


Vous vous rappelez : il n'y a pas si longtemps, un Secrétaire d'état qui avait "omis" de déclarer ses revenus avait avancé comme justification le fait qu'il souffrait de phobie administrative. Si cette excuse lui avait permis d'échapper aux foudres de la justice, nul doute que des millions de Français auraient immédiatement été frappés de la même pathologie.

Une phobie – du grec "phobos" crainte, frayeur ou répulsion – est généralement une peur, souvent violente et irraisonnée, d'un objet ou d'une situation que les scientifiques qualifient de phobogène. Une phobie peut être une telle peur, mais aussi un sentiment de rejet – la fameuse phobie administrative -, une propriété physique ou chimique, mais aussi une attitude discriminatoire.

La liste des phobies  est très longue et nous n'en évoquerons que quelques-unes. Nous connaissons tous la claustrophobie, ou peur des espaces confinés, l'agoraphobie, la peur des espaces publics et, par extension, de la foule, et peut-être aussi l'arachnophobie, c.-à-d. la peur des araignées. Nombreuses sont les personnes ophiophobes, qui ont peur des serpents, et plus généralement herpétophobes qui n'apprécient guère les reptiles ou les amphibiens. La peur des abeilles et, plus généralement des insectes qui piquent, est logiquement l'apiphobie, celle des requins la squalophobie, la peur des souris et des rats la musophobie ; mais on peut aussi rencontrer des arctophobes qui n'approcheraient pour rien au monde un ours, fût-il en peluche, et même des cuniculophobes qui ne peuvent pas voir les lapins en peinture.

La peur de parler en public, incompatible avec la profession exercée par mes collègues interprètes, s'appelle la glossophobie ; elle s'accompagne souvent d'éreutophobie ou érythrophobie, la peur de rougir en public. Les écrivains qui éprouvent la peur de la page blanche sont atteints de leucosélophobie ; quant aux personnes souffrant de maskaphobie ou peur des masques, elles risquent de devoir rester confinées chez elles tant que sévira la pandémie de covid-19. On ne confondra pas l'acrophobie ou peur des hauteurs avec l'aviophobie ou peur de prendre l'avion. Apparue plus récemment, la nomophobie (de l'anglais "no mobile phobia") désigne la peur d'être séparé de son téléphone portable !

Quant aux phobies discriminatoires, elles nous sont hélas familières : xénophobie, homophobie, grossophobie (discrimination des personnes en surpoids), gérontophobie (rejet des personnes âgées). On mentionnera en particulier la glottophobie, une attitude discriminatoire à l'égard de la langue parlée par une personne et notamment de son accent. Le Premier ministre récemment nommé a été visé par des critiques glottophobes en raison d'un léger accent méridional lié à ses origines gersoises et à son activité d'élu dans les Pyrénées-Orientales.

Et savez-vous ce qu'est la paraskevidékatriaphobie ? C'est la peur du vendredi 13, du grec "paraskevi" vendredi et "decatreis" treize. La triskaïdékaphobie, quant à elle, désigne la peur du nombre 13 et la superstition qui en découle. Et pour conclure ce billet, dont j'espère qu'il ne vous aura pas effrayé, nous mentionnerons la pantophobie ou peur de tout et surtout la phobophobie ou… peur d'avoir peur !

 
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samedi 4 juillet 2020

Couvrez ce sein que je ne saurais voir !



Replongeons-nous dans notre Dictionnaire de l'Académie française de 1835 et dans le Nouveau dictionnaire illustré Larousse de 1890 pour voir comment on évoquait les choses du sexe au XIXe siècle. Le Larousse étant à destination des écoliers, il se montre plus que discret sur la question. C'est donc principalement dans le Dictionnaire de l'Académie que nous allons poursuivre notre exploration.

Le terme de pénis est absent des deux ouvrages, mais on y trouve celui de verge. Le Larousse donne simplement le sens de baguette ainsi que celui de mesure de longueur. Les définitions sont beaucoup plus nombreuses et détaillées dans le Dictionnaire de l'Académie : tout à la fin, il nous apprend que ce terme désigne le membre génital. Quant à verges au pluriel, ce terme désigne "plusieurs menus brins de bouleau, de genêt, d'osier, etc., avec lesquels on fouette, on fustige" ; on emploie encore de nos jours l'expression donner des verges pour se faire battre. Mais j'ai découvert, toujours dans le dictionnaire de 1835, une autre expression, fort amusante, qui est tombée en désuétude : faire baiser les verges à quelqu'un, qui signifie : "Le contraindre à demander pardon après qu'on l'a châtié, ou l'obliger à reconnaître la justice du châtiment". Absent du Larousse, le terme vagin désigne, dans le Dictionnaire de l'Académie, le "canal qui conduit à la matrice".

Point d'orgasme dans le Larousse, mais pour les Académiciens, il s'agit d'un "terme de médecine [qui désigne] l'état de gonflement et d'excitation des organes, et particulièrement ceux de la génération." Mais avant d'en arriver là, quid de l'érection : l'entrée figure bien dans le Larousse dans son sens architectural : "action d'élever (une statue), de construire". Si cette acception figure, naturellement, dans le Dictionnaire de l'Académie, on y trouve cependant aussi la définition suivante : "…se dit aussi en médecine de l'action par laquelle certaines parties molles du corps se gonflent, se durcissent et se redressent". Mais on ne nous dit pas de quelles parties il s'agit !

Pour les Immortels, la sodomie est simplement "un péché contre nature". En revanche, ils se sont donnés beaucoup de mal pour définir le terme de masturbation : "Genre de pollution qui trompe le vœu de la nature, et qui a ordinairement les suites les plus funestes". La lecture de cette définition m'a laissé sur le… cul. Eh bien oui, le cul est bien présent dans nos deux ouvrages. Pour le Larousse, c'est "la partie de l'homme et de certains animaux qui comprend les fesses et le fondement" et pour l'Académie "le derrière, cette partie de l'homme qui comprend les fesses et le fondement".

Nous conclurons ce billet par une copulation. Si les mots copule et copulatif se trouvent bien dans les deux dictionnaires en tant que termes de logique et de grammaire, seuls les Académiciens se sont aventurés à définir le mot copulation. Et voici ce que cela donne : "Accouplement du mâle avec la femelle. Il se dit plus particulièrement de la conjonction de l'homme et de la femme, et se joint presque toujours avec l'adjectif charnel. La copulation charnelle est défendue hors le mariage."

Que ce soit au début du XIXe siècle ou au début du XXIe, nul doute que les travaux de la Commission du Dictionnaire de l'Académie française suscitent de temps à autres des échanges très pittoresques.