dimanche 14 octobre 2018

Bonheurs et surprises


Je vous invite, amis lecteurs, à découvrir sans tarder "Bonheurs et surprises de la langue" paru aux éditions Philippe Rey. L'auteur de ce délicieux ouvrage n'est autre que … l'Académie française.

Ce recueil, organisé selon l'ordre alphabétique – comment aurait-il pu en être autrement de la part des gardiens du Dictionnaire – nous promène au gré des étymologies les plus inattendues dans la langue française.

On y découvre par exemple que le nom grec kauma a donné aussi bien calme, chômage, encaustique qu'holocauste. On y apprend  comment le verbe latin dividere (diviser) est à l'origine de devise (au sens de monnaie ou de formule concise), de devis et du verbe deviser, mais aussi que le compte et le conte nous viennent l'un et l'autre de computare (calculer) ou bien encore que pécule, pécuniaire et pécunieux (et impécunieux) sont issus du latin pecus qui désigne un troupeau. On apprend aussi que capital et cheptel sont apparentés.

Mon propos n'est pas de proposer un résumé de ces 280 pages, mais de vous donner envie de vous plonger dans ces pittoresques pérégrinations linguistiques. Un banquier serait certainement surpris d'apprendre que, comme un saltimbanque,  son métier est lié à un banc (comme celui du commerçant dans un marché) ; mais quand les choses deviennent trop bancales elles risquent de finir par une banqueroute. Vous aimez la langue française ? Eh bien banco !, ce livre est fait pour vous.

mardi 9 octobre 2018

Cornélien ou platonique ?

Langue et littérature sont indissociables. La langue est évidemment la matière première, la glaise pétrie par l'auteur pour en faire une œuvre littéraire ou poétique. Mais si la langue nourrit l'écriture, l'inverse est aussi vrai et l'on connaît d'innombrables exemples d'auteurs ou de personnages littéraires qui sont venus enrichir la langue. Faire le tri peut s'apparenter à un choix cornélien. Quand, tel le Cid de Corneille, on est tiraillé entre les sentiments et le devoir, le choix est effectivement cornélien.

Remontons un peu plus loin dans l'histoire, jusqu'à Platon par exemple, qui, dans sa générosité, nous a gratifié de deux adjectifs (pour le prix d'un) : platonicien et platonique. Si platonicien se rapporte simplement à la philosophie de Platon, platonique  renvoie à un concept d'idéal, de pureté, dénué de toute sensualité. Quand l'amour est platonique, point de gaudriole !

C'est au début du 16ème siècle que Nicolas Machiavel écrit "Le Prince". Mais il faut attendre la fin du 18ème siècle pour que le machiavélisme (et l'adjectif machiavélique) prennent leur sens actuel : le recours au cynisme, à la ruse et à la mauvaise foi pour arriver à ses fins sans s'embarrasser de scrupules moraux. Quant au poète florentin (comme Machiavel) Dante Alighieri – 1265-1321 -, auteur de la Divine Comédie qui retrace l'itinéraire de l'auteur en enfer, au purgatoire et au paradis, il nous a légué l'adjectif dantesque qui qualifie quelque chose de sombre, grandiose et vertigineux par référence à la tonalité de l'œuvre de Dante.

François Rabelais eut aussi une influence majeure sur notre langue, à commencer par l'adjectif rabelaisien qui, lorsque qu'il ne se rapporte pas directement à l'auteur ou à son œuvre, prend le sens de grivois, licencieux, truculent – comme par exemple un rire rabelaisien. Et si nous recevons un convive à l'appétit pantagruélique, veillons à lui préparer un repas gargantuesque (et vice-versa).

Quant à Pygmalion, dans les Métamorphoses d' Ovide le sculpteur tombé amoureux de sa statue Galatée, on le retrouve dans de nombreuses œuvres littéraires, de Jean-Jacques Rousseau à George-Bernard Shaw en passant par Goethe et le musicien Jean-Philippe Rameau. Quand il devient un nom commun, un pygmalion désigne une personne qui cherche à façonner l'être aimé, pour le conduire à la réussite, un peu comme un mentor d'ailleurs, puisque Mentor est, dans l'Odyssée d'Homère, l'ami d'Ulysse et précepteur de son fils, Télémaque.

Ce billet serait incomplet, si l'on ne faisait pas une place à Jean-Baptiste Poquelin, plus connu sous le nom de Molière. Nous lui devons, entre autres, tartuffe et tartufferie : un tartuffe est un hypocrite ("Couvrez ce sein que je ne saurais voir"). Mais Molière nous a aussi légué le personnage d'Harpagon : passé dans la langue courante on qualifie volontiers d'harpagon une personne avare.

Et pour conclure je vous engage à ne jamais confondre un gavroche avec un rastignac !

lundi 1 octobre 2018

FOR-MI-DABLE - Bon vent Monsieur Aznavour !



L'immense Charles Aznavour vient de nous quitter. Ayons une pensée pour lui à travers cette chanson de 1964 qui est un vibrant hommage à la langue française.


For me, formidable

You are the one for me, for me, formi, formidable
You are my love, very, very, véri, véritable
Et je voudrais un jour enfin pouvoir te le dire
Te l'écrire
Dans la langue de Shakespeare
My daisy, daisy, dési, désirable
Je suis malheureux
D'avoir si peu de mots à t'offrir en cadeau
Darling I love you, love you, darling, I want you
Et puis c'est à peu pres tout
You are the one for me, for me, formi, formidable
You are the one for me, for me, formi, formidable
But how can you see me, see me, si mi, si minable
Je ferais mieux d'aller choisir mon vocabulaire
Pour te plaire
Dans la langue de Molière
Toi, tes eyes, ton nose, tes lips adorables
Tu n'as pas compris
Tant pis, ne t'en fais pas et
Viens-t'en dans mes bras
Darling I love you, love you, darling, I want you
Et puis le reste, on s'en fout
You are the one for me, formi, formidable
Je me demande même pourquoi je t'aime
Toi qui te moque de moi et de tout
Avec ton air canaille, canaille, canaille
How can I love you?

Paroliers : Charles Aznavour / Jacques Plante