mardi 9 octobre 2018

Cornélien ou platonique ?

Langue et littérature sont indissociables. La langue est évidemment la matière première, la glaise pétrie par l'auteur pour en faire une œuvre littéraire ou poétique. Mais si la langue nourrit l'écriture, l'inverse est aussi vrai et l'on connaît d'innombrables exemples d'auteurs ou de personnages littéraires qui sont venus enrichir la langue. Faire le tri peut s'apparenter à un choix cornélien. Quand, tel le Cid de Corneille, on est tiraillé entre les sentiments et le devoir, le choix est effectivement cornélien.

Remontons un peu plus loin dans l'histoire, jusqu'à Platon par exemple, qui, dans sa générosité, nous a gratifié de deux adjectifs (pour le prix d'un) : platonicien et platonique. Si platonicien se rapporte simplement à la philosophie de Platon, platonique  renvoie à un concept d'idéal, de pureté, dénué de toute sensualité. Quand l'amour est platonique, point de gaudriole !

C'est au début du 16ème siècle que Nicolas Machiavel écrit "Le Prince". Mais il faut attendre la fin du 18ème siècle pour que le machiavélisme (et l'adjectif machiavélique) prennent leur sens actuel : le recours au cynisme, à la ruse et à la mauvaise foi pour arriver à ses fins sans s'embarrasser de scrupules moraux. Quant au poète florentin (comme Machiavel) Dante Alighieri – 1265-1321 -, auteur de la Divine Comédie qui retrace l'itinéraire de l'auteur en enfer, au purgatoire et au paradis, il nous a légué l'adjectif dantesque qui qualifie quelque chose de sombre, grandiose et vertigineux par référence à la tonalité de l'œuvre de Dante.

François Rabelais eut aussi une influence majeure sur notre langue, à commencer par l'adjectif rabelaisien qui, lorsque qu'il ne se rapporte pas directement à l'auteur ou à son œuvre, prend le sens de grivois, licencieux, truculent – comme par exemple un rire rabelaisien. Et si nous recevons un convive à l'appétit pantagruélique, veillons à lui préparer un repas gargantuesque (et vice-versa).

Quant à Pygmalion, dans les Métamorphoses d' Ovide le sculpteur tombé amoureux de sa statue Galatée, on le retrouve dans de nombreuses œuvres littéraires, de Jean-Jacques Rousseau à George-Bernard Shaw en passant par Goethe et le musicien Jean-Philippe Rameau. Quand il devient un nom commun, un pygmalion désigne une personne qui cherche à façonner l'être aimé, pour le conduire à la réussite, un peu comme un mentor d'ailleurs, puisque Mentor est, dans l'Odyssée d'Homère, l'ami d'Ulysse et précepteur de son fils, Télémaque.

Ce billet serait incomplet, si l'on ne faisait pas une place à Jean-Baptiste Poquelin, plus connu sous le nom de Molière. Nous lui devons, entre autres, tartuffe et tartufferie : un tartuffe est un hypocrite ("Couvrez ce sein que je ne saurais voir"). Mais Molière nous a aussi légué le personnage d'Harpagon : passé dans la langue courante on qualifie volontiers d'harpagon une personne avare.

Et pour conclure je vous engage à ne jamais confondre un gavroche avec un rastignac !

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