Langue et littérature
sont indissociables. La langue est évidemment la matière première, la glaise
pétrie par l'auteur pour en faire une œuvre littéraire ou poétique. Mais si la
langue nourrit l'écriture, l'inverse est aussi vrai et l'on connaît
d'innombrables exemples d'auteurs ou de personnages littéraires qui sont venus
enrichir la langue. Faire le tri peut s'apparenter à un choix cornélien. Quand, tel le Cid de Corneille, on est tiraillé entre les
sentiments et le devoir, le choix est effectivement cornélien.
Remontons un peu plus
loin dans l'histoire, jusqu'à Platon
par exemple, qui, dans sa générosité, nous a gratifié de deux adjectifs (pour
le prix d'un) : platonicien et platonique. Si platonicien se rapporte simplement à la philosophie de Platon, platonique renvoie à un
concept d'idéal, de pureté, dénué de toute sensualité. Quand l'amour est platonique, point de gaudriole !
C'est au début du 16ème
siècle que Nicolas Machiavel écrit "Le
Prince". Mais il faut attendre la fin du 18ème siècle pour que
le machiavélisme (et l'adjectif machiavélique) prennent leur sens actuel
: le recours au cynisme, à la ruse et à la mauvaise foi pour arriver à ses
fins sans s'embarrasser de scrupules moraux. Quant au poète florentin (comme Machiavel) Dante Alighieri – 1265-1321 -, auteur de la Divine Comédie qui
retrace l'itinéraire de l'auteur en enfer, au purgatoire et au paradis, il nous
a légué l'adjectif dantesque qui
qualifie quelque chose de sombre, grandiose et vertigineux par référence à la
tonalité de l'œuvre de Dante.
François Rabelais eut aussi une influence majeure
sur notre langue, à commencer par l'adjectif rabelaisien qui, lorsque qu'il ne se rapporte pas directement à
l'auteur ou à son œuvre, prend le sens de grivois, licencieux, truculent –
comme par exemple un rire rabelaisien.
Et si nous recevons un convive à l'appétit pantagruélique,
veillons à lui préparer un repas gargantuesque
(et vice-versa).
Quant à Pygmalion, dans les Métamorphoses d'
Ovide le sculpteur tombé amoureux de sa statue Galatée, on le retrouve dans de
nombreuses œuvres littéraires, de Jean-Jacques Rousseau à George-Bernard Shaw
en passant par Goethe et le musicien Jean-Philippe Rameau. Quand il devient un
nom commun, un pygmalion désigne une
personne qui cherche à façonner l'être aimé, pour le conduire à la réussite, un
peu comme un mentor d'ailleurs,
puisque Mentor est, dans l'Odyssée
d'Homère, l'ami d'Ulysse et précepteur de son fils, Télémaque.
Ce billet serait
incomplet, si l'on ne faisait pas une place à Jean-Baptiste Poquelin, plus
connu sous le nom de Molière. Nous lui devons, entre autres, tartuffe et tartufferie : un tartuffe
est un hypocrite ("Couvrez ce sein que je ne saurais voir"). Mais
Molière nous a aussi légué le personnage d'Harpagon
: passé dans la langue courante on qualifie volontiers d'harpagon une personne avare.
Et pour conclure je vous
engage à ne jamais confondre un gavroche
avec un rastignac !
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