mercredi 8 mai 2019

Bienvenue à nos cousins germains !

La polémique née de l'utilisation du terme Blitzkrieg ("guerre éclair") par une tête de liste aux élections européennes nous donne l'occasion de nous pencher sur la présence de l'allemand dans la langue française. Alors qu'on se plaint, souvent à tort, des nombreux anglicismes qui émaillent notre langue, personne ne trouve rien à redire à tous les mots allemands venus enrichir notre langue au fil des siècles.

"J'avais décidé ce jour-là d'aller observer les edelweiss dans la montagne (Leur cueillette est interdite). J'étais en train de préparer mes affaires, et notamment mon frichti et je me demandais si, outre quelques bretzels, je devais également emporter une flasque de schnaps au cas où la température viendrait à chuter sévèrement. Un tout cas, ma thermos était pleine de bon café et non pas d'un quelconque ersatz. Mon alpenstock à portée de main, j'étais paré pour explorer l'hinterland en suivant le thalweg. Ne m'étant pas encombré de mes skis, il n'y aurait pas de schuss au programme."

  • Edelweiss : de l'allemand Edelweiß (Edel = noble, weiß = blanc)
  • Frichti : de l'alémanique alsacien fristick, apparenté à l'allemand Frühstück (petit-déjeuner)
  • Bretzel : transcription phonétique de l'allemand Brezel, du latin médiéval brachiolum (petit bras)
  • Flasque : apparenté à Flasche (bouteille)
  • Schnaps : en allemand "eau-de-vie"
  • Ersatz : succédané de mauvaise qualité (Ersatz = remplacement)
  • Alpenstock : bâton ferré pour les excursions en montagne (Alpen = Alpes, Stock = bâton)
  • Hinterland : littéralement "arrière-pays"
  • T(h)alweg : ligne de fond d'une vallée (Tal = vallée, Weg = chemin)
  • Schuss : de l'allemand Schussfahrt (descente à skis en ligne droite)

"En regardant à travers le vasistas à l'arrière de ma maison, j'apercevais au loin un bunker, à moins que ce ne fût un blockhaus datant de la dernière guerre et de cette funeste époque où le régime nazi chercha à imposer un diktat à toute l'Europe. Malgré plusieurs tentatives, aucun putsch ne réussit à mettre à bas le führer."

  • Vasistas : de Was ist das (qu'est-ce-que c'est ?), question posée à travers un guichet, d'où le vasistas, petit vantail mobile pouvant s'ouvrir dans une porte ou une fenêtre. Sous la Révolution, le vasistas a désigné la lucarne de la guillotine !
  • Bunker : à l'origine une soute ou un entrepôt à charbon, par la suite un abri blindé et enterré. A également donné le verbe bunkériser.
  • Blockhaus : la "maison charpentée" est devenue un ouvrage militaire défensif étayé de poutres et de rondins.
  • Diktat : étymologiquement "chose dictée" – par extension, volonté (généralement politique) imposée par la force.
  • Putsch : de l'alémanique : "coup, action de pousser, mouvement en avant" ; aujourd'hui soulèvement destiné à prendre le pouvoir, coup d'état.
  • Führer : à l'origine "guide" – se passe d'explications !

Si le football est un sport d'origine anglaise, comme en témoigne la prononciation du mot ("ball" prononcé "bol"), le handball, lui, nous vient d'Allemagne et il convient de prononcer "balle" et non "bol" comme on l'entend malheureusement trop souvent sur les ondes. Avant de conclure ce billet, un dernier avertissement s'impose : ne confondons pas le zeitgeist (l'esprit du temps), un concept tiré de la philosophie allemande, avec un poltergeist ou esprit frappeur. Les deux n'ont vraiment rien à voir !

Et puisque le leitmotiv – à l'origine un thème musical récurrent dans une œuvre, par extension un thème ou une formule qui revient régulièrement dans un texte ou un discours – de ce blog est d'explorer la créativité de la langue française, comment ne pas rappeler l'origine pittoresque de l'expression se faire appeler Arthur : durant l'Occupation en France, les Allemands avaient imposé un couvre-feu qui débutait à vingt heures – en allemand acht Uhr. Pour rappeler à l'ordre les passants qui s'aventuraient dans les rues après l'heure fatidique, les soldats allemands indiquaient leur montre en disant acht Uhr ; les Français comprenaient Arthur : c'est peut-être ainsi que de ce rappel à l'ordre est née l'expression se faire appeler Arthur.

Trinquons (de l'allemand "trinken" = "boire") plutôt à la santé de l'amitié franco-allemande !