Le titre de
ce billet est celui d'un film de Jacques Becker sorti en 1954, adapté du roman
éponyme d'Albert Simonin. Grisbi,
voilà l'un des innombrables termes d'argot utilisés pour désigner l'argent : fric, flouze, oseille, blé, pépettes, fraîche,
thune, pognon, galette, picaillons, artiche, rond ou radis (dans l'expression je
n'ai plus un rond ou plus un radis).
Une personne désargentée dira qu'elle est fauchée
(comme les blés).
Là où la
chose est devenue problématique lors du passage à l'euro, c'est avec les termes
d'argot utilisés pour quantifier une somme d'argent : balle (1 franc), sac (10 francs), brique, patate, plaque (10.000 francs
pour ces 3 derniers termes). Il semble que seul le terme balle ait survécu au passage à l'euro (avec une parité de 1 pour 1)
et on peut entendre une phrase telle que "quand le paquet de clopes sera à
10 balles, j'arrêterai de fumer (ou
pas)". Le franc appartiendra réellement au passé lorsque les différentes dénominations
en euros seront passées à l'argot.
Si ceux qui
aiment recevoir de l'argent sont très nombreux, on ne peut en dire autant de
ceux qui le dépensent volontiers. L'avarice ou, tout au moins, la réticence à
payer ce que l'on doit, se retrouvent aussi dans notre langue avec des
expressions très pittoresques, comme par exemple avoir des oursins dans les poches ou dans le porte-monnaie. Cette expression se passe d'explication,
tant on imagine aisément l'expérience douloureuse que représente l'extraction
de quelque pièce ou billet d'une poche peuplée d'oursins ! Si votre débiteur se
trouve dans cette disposition d'esprit, il y a de fortes chances qu'il vous paye au lance-pierres : le lance-pierres étant un instrument à la
précision très relative et manquant souvent sa cible, attendez-vous à ne
recevoir qu'une partie de l'argent qui vous est dû.
Et
connaissez-vous le fesse-mathieu ? Voilà
encore une façon de désigner un avare. L'étymologie est ici singulière : fesser signifiait au 15ème siècle
"battre avec des verges" (pas forcément la partie postérieure souvent
charnue de l'anatomie) ; et mathieu
renvoie à Saint-Mathieu, l'un des quatre évangélistes qui fut prêteur avant de
se convertir. Au 16ème siècle mathieu
désigne ainsi un créancier. D'où l'expression fesser Saint-Mathieu qui signifierait "pratiquer l'usure"
car, nous dit Alain Rey, celui qui fesse
Saint-Mathieu serait un individu qui, pratiquant indignement son premier
métier, mettrait à mal la réputation de l'apôtre. Le fesse-mathieu, après avoir désigné un usurier, qualifie ainsi de
nos jours une personne avare. Si cette explication capillotractée ne vous
convainc pas, ce n'est pas moi qui vous jetterai la première pierre (pour
rester dans la métaphore biblique).
Peut-être
vous est-il arrivé d'avoir maille à
partir avec un débiteur ou un créancier, ou toute autre personne d'ailleurs
? La maille ici n'a rien à voir avec
un tricot ou un filet de pêche. Il s'agit d'une monnaie valant la moitié du
denier, lui-même égal au douzième du sou qui équivaut au vingtième de la livre.
La maille représente donc une somme
très faible et c'est aussi la plus petite pièce en circulation au Moyen-âge.
Quant au verbe partir, il provient de
départir qui signifiait partager. Ainsi donc, lorsque deux
personnes voulaient se partager une somme aussi faible – une maille -, qui plus est l'unité monétaire
la plus petite de l'époque, on aboutissait inéluctablement à une querelle car il
n'est pas possible de diviser l'indivisible.
Alors, me
direz-vous, tout cela n'est pas bien grave puisque l'argent n'a pas d'odeur. Le parfum d'un billet fraichement imprimé
n'est pourtant pas désagréable ! Au 1er siècle de notre ère,
l'empereur romain Vespasien institua diverses taxes pour renflouer les caisses
de l'Empire mises à mal sous le règne de Néron. L'une de ces taxes frappait les
urines que l'on collectait pour les teinturiers (les urines étant utilisées
pour dégraisser les peaux). Les contribuables romains ne se privèrent pas de
brocarder cette "taxe-pipi". Quand Titus, le fils de Vespasien, lui
relata ces moqueries, Vespasien lui mit une pièce de monnaie sous le nez et lui
dit "non olet", c'est-à-dire
"cela n'a pas d'odeur". Autrement dit, peu importe la provenance de
l'argent, pourvu qu'il remplisse les caisses. Pour la petite histoire, c'est en
mémoire de Vespasien et de sa taxe sur les urines qu'on appela au 19ème
siècle vespasiennes les urinoirs
publics.
Merci, Francine. J'espère que tu en as pour ton argent ;-)
RépondreSupprimerMais bien sûr, Edgar! A propos de billets, as-tu vu nos nouveaux billets, qui se plient difficilement et ont encore plus tendance à sortir du porte-monnaie? http://bfmbusiness.bfmtv.com/monde/pourquoi-le-nouveau-billet-de-5-livres-est-historique-1036383.html
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