dimanche 18 octobre 2020

Chaud devant !


 Vous en conviendrez, chers lecteurs, ce blog n'a rien d'un brûlot. Mais saviez-vous qu'avant de prendre le sens figuré régulièrement employé de nos jours – texte ou idée de nature à susciter un scandale, une polémique – un brûlot désignait un petit navire chargé de matières combustibles et destiné à incendier  les bâtiments ennemis ? Parmi les nombreuses expressions construites autour du verbe brûler, nous en retiendrons une à l'histoire particulièrement pittoresque : à brûle-pourpoint, qui veut dire "brusquement, sans préparation" ; à l'origine, la locution signifiait concrètement "tout près, de manière à brûler le pourpoint" dans le contexte d'un duel au pistolet !

Mais je m'égare ! En effet, ce n'est pas le verbe brûler qui m'intéresse aujourd'hui, mais le phénomène qui en est à l'origine, à savoir le feu. Et là je suis raccord avec l'actualité, puisqu'un tiers de la population française se trouve soumis depuis quelques heures au régime du couvre-feu pour cause d'épidémie de Covid. À l'origine, le couvre-feu est le signal d'éteindre les lumières – les feux – et de rentrer chez soi. Par extension, le couvre-feu­ désigne l'interdiction de sortir après une heure donnée. La langue anglaise a importé l'expression en l'adaptant : c'est le curfew.

Le feu – du latin "focus" – est évidemment à l'origine du foyer dans son sens propre et figuré. Ainsi, un homme sans feu ni lieu est en quelque sorte l'ancêtre de notre SDF, un homme sans famille, ni maison. On peut se demander si l'expression sans foi ni loi n'a pas été formée par une sorte d'allitération avec sans feu ni lieu. Ce n'est là qu'une supposition qui n'est pas linguistiquement démontrée.

Le feu désigne aussi le supplice du bûcher et c'est de là que vient la charmante expression (mourir) à petit feu. Pour rester dans le contexte des sympathiques coutumes du Moyen-Âge, mentionnons l'épreuve du feu (il s'agit d'une ordalie) qui nous a livré l'expression en mettre sa main au feu.

Rien ne presse quand il n'y a pas le feu (au lac chez nos voisins suisses), et, bien sûr, il n'y a pas de fumée sans feu. Embrasé par les feux de l'amour, le soupirant sera tout feu, tout flamme pour se précipiter vers sa belle qui aura peut-être le feu au c…; cette dernière expression, avoir le feu au derrière, aux fesses ou au c… a deux sens : 1) être très pressé, filer très vite (pour échapper aux flammes qui menacent votre postérieur) et 2) avoir des besoins sexuels intenses, en quelque sorte être "en chaleur".

En tout état de cause, on évitera de jouer avec le feu, de jeter de l'huile sur le feu et surtout de mettre le feu aux poudres. Pour les expressions faire (ou ne pas faire) long feu et tirer les marrons du feu, je vous renvoie à mes billets du 26 août 2017 "Épingles et marrons" et du 28 août 2017 "De feu et d'os".

Signalons enfin que l'adjectif feu utilisé pour évoquer une personne décédée – feue Madame untel – n'est en rien apparenté au feu qui brûle ; en effet l'étymologie de l'adjectif feu nous renvoie au latin "fatum", le destin. La personne décédée est ainsi désignée parce qu'elle a, en quelque sorte, accompli son destin.

Nous conclurons ce billet par une expression tombée en désuétude et pourtant bien sympathique : avoir le dos au feu et le ventre à table. Ainsi désignait-on une personne confortablement installée (le dos à la cheminée) pour bien manger (le ventre contre la table). Au fil de l'histoire les significations de cette expression ont évolué : on a qualifié ainsi des personnes débauchées ou bien des personnes qui prennent leurs aises et aiment la bonne chère ou encore qui prennent leurs aises en mangeant ou, tout simplement, des personnes qui prennent leurs aises sans qu'il ne soit plus question de repas.

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