Vous en conviendrez, chers lecteurs, ce blog n'a rien d'un brûlot. Mais saviez-vous qu'avant de prendre le sens figuré régulièrement employé de nos jours – texte ou idée de nature à susciter un scandale, une polémique – un brûlot désignait un petit navire chargé de matières combustibles et destiné à incendier les bâtiments ennemis ? Parmi les nombreuses expressions construites autour du verbe brûler, nous en retiendrons une à l'histoire particulièrement pittoresque : à brûle-pourpoint, qui veut dire "brusquement, sans préparation" ; à l'origine, la locution signifiait concrètement "tout près, de manière à brûler le pourpoint" dans le contexte d'un duel au pistolet !
Mais je m'égare
! En effet, ce n'est pas le verbe brûler
qui m'intéresse aujourd'hui, mais le phénomène qui en est à l'origine, à savoir
le feu. Et là je suis raccord avec
l'actualité, puisqu'un tiers de la population française se trouve soumis depuis
quelques heures au régime du couvre-feu
pour cause d'épidémie de Covid. À l'origine, le couvre-feu est le signal d'éteindre les lumières – les feux – et de rentrer chez soi. Par extension,
le couvre-feu désigne l'interdiction
de sortir après une heure donnée. La langue anglaise a importé l'expression en
l'adaptant : c'est le curfew.
Le feu – du latin "focus" – est évidemment
à l'origine du foyer dans son sens
propre et figuré. Ainsi, un homme sans
feu ni lieu est en quelque sorte l'ancêtre de notre SDF, un homme sans
famille, ni maison. On peut se demander si l'expression sans foi ni loi n'a pas été formée par une sorte d'allitération
avec sans feu ni lieu. Ce n'est là
qu'une supposition qui n'est pas linguistiquement démontrée.
Le feu désigne aussi le supplice du bûcher
et c'est de là que vient la charmante expression (mourir) à petit feu. Pour
rester dans le contexte des sympathiques coutumes du Moyen-Âge, mentionnons l'épreuve
du feu (il s'agit d'une ordalie) qui
nous a livré l'expression en mettre sa
main au feu.
Rien ne
presse quand il n'y a pas le feu (au lac
chez nos voisins suisses), et, bien sûr, il
n'y a pas de fumée sans feu. Embrasé par les feux de l'amour, le
soupirant sera tout feu, tout flamme
pour se précipiter vers sa belle qui aura peut-être le feu au c…; cette dernière expression, avoir le feu au derrière, aux fesses ou au c… a deux sens : 1) être
très pressé, filer très vite (pour échapper aux flammes qui menacent votre
postérieur) et 2) avoir des besoins sexuels intenses, en quelque sorte être
"en chaleur".
En tout
état de cause, on évitera de jouer avec
le feu, de jeter de l'huile sur le
feu et surtout de mettre le feu aux poudres.
Pour les expressions faire (ou ne pas
faire) long feu et tirer les marrons
du feu, je vous renvoie à mes billets du 26 août 2017 "Épingles et marrons" et du 28 août 2017 "De feu et d'os".
Signalons
enfin que l'adjectif feu utilisé pour
évoquer une personne décédée – feue Madame
untel – n'est en rien apparenté au feu
qui brûle ; en effet l'étymologie de l'adjectif feu nous renvoie au latin "fatum", le destin. La personne
décédée est ainsi désignée parce qu'elle a, en quelque sorte, accompli son
destin.
Nous
conclurons ce billet par une expression tombée en désuétude et pourtant bien
sympathique : avoir le dos au feu et le
ventre à table. Ainsi désignait-on une personne confortablement installée
(le dos à la cheminée) pour bien manger (le ventre contre la table). Au fil de
l'histoire les significations de cette expression ont évolué : on a qualifié
ainsi des personnes débauchées ou bien des personnes qui prennent leurs aises
et aiment la bonne chère ou encore qui prennent leurs aises en mangeant ou,
tout simplement, des personnes qui prennent leurs aises sans qu'il ne soit plus
question de repas.
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