dimanche 25 octobre 2020

22 v'là les flics !


 La langue française doit beaucoup à ses forces de l'ordre et notamment les termes d'argot  en rapport avec cette noble profession sont légion. Le mot police nous vient du latin "politia" qui signifie organisation, gouvernement, mais aussi politique ; dans l'histoire, les deux termes – police et politique­- ont d'ailleurs été synonymes (en anglais politique se dit policy). C'est à partir du XVIIe siècle que police prend son sens actuel. Mais attention, l'homonyme police – qu'on trouve dans police d'assurance ou police de caractères – n'a pas la même étymologie ("polizza" en italien désignait un certificat ou un contrat).

L'origine de flic, quoiqu'incertaine, est des plus pittoresques : en argot, le mot mouche peut désigner un espion de la police et par extension un policier (c'est de là que vient mouchard). En traversant le Rhin, la mouche est devenue Fliege en allemand et, en repassant de l'autre côté de la frontière, Fliege aurait donné flic par adaptation phonétique. Si cette étymologie n'est pas certaine, elle est en tout cas séduisante.

Et puisqu'on parle de flics, nous connaissons tous l'expression 22 v'là les flics ! Mais d'où vient donc ce 22. Les explications sont nombreuses ; en voici quelques-unes :

     À la fin du XVIIIe siècle, la vareuse des policiers comptait 11 boutons et ils se déplaçaient toujours par 2.
     Le chiffre 22 est la somme du rang des lettres qui composent le mot "chef" (3+8+5+6).
     En typographie, les caractères les plus courants sont un corps (taille) 9 ou 10. Le corps 22, beaucoup plus grand, est réservé aux titres et désigne donc, par extension, quelque chose ou quelqu'un d'important : lorsque les ouvriers voient arriver leur contremaître, ils crient 22, et même 44 lorsque c'est le patron. Cette hypothèse réunit curieusement les deux significations du mot police évoquée au début de ce billet (police (nationale ou municipale) et police (de caractères).
     En argot du XIXe siècle, un vingt-deux est un couteau par référence à l'arme favorite des voyous, un couteau avec une lame de 22 centimètres : quand les flics approchent, on s'exclame 22 dans le sens de "à vos armes !".
     22 pourrait être une déformation du juron vingt-dieux ou vains-dieux.
     C'est au chapitre 22 de l'Évangile selon Saint-Luc que Jésus est arrêté.
     Si la police judiciaire est située au 36 quai des Orfèvres, c'est au numéro 22 qu'arrivent les camions de police transportant les accusés ou prévenus.

Synonyme de flics, les poulets. On parle aussi de la maison poulaga pour désigner la police en général. L'origine est amusante : lorsque la Préfecture de police s'est installée sur l'Île de la Cité au XIXe siècle, elle prend la place d'un marché aux volailles qui se trouvait là. Si le flic est un policier, le pandore, lui, est un gendarme. Le pandore – qui n'a ici rien avoir avec la mythologie grecque et la "boîte de Pandore" – est le nom donné à un gendarme par un célèbre chansonnier du XIXe siècle, Gustave Nadaud, dans la chanson Pandore ou les deux gendarmes : chaque couplet est ponctué par : "Brigadier, répondit Pandore, Brigadier, vous avez raison." Le chansonnier, originaire de Roubaix et connaissant le flamand, se serait inspiré, pour nommer ainsi son gendarme, du mot néerlandais pandoer (terme d'origine hongroise), qui désignait un gendarme au Royaume des Pays-Bas.

Nous conclurons ce billet avec une citation d'Edmond de Goncourt : "Dans un livre, les auteurs doivent être comme la police: ils doivent être partout et ne jamais se montrer."

(P. S. : merci à E. G.-K. qui m'a donné l'idée de ce billet.)

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