En ce 1er janvier
2018, nous allons nous intéresser au temps,
non pas celui qu'il fait (quoique la tempête Carmen eût pu justifier qu'on en
parlât), mais celui qui passe – généralement trop vite à notre goût.
S'il fallait retenir
une citation pour illustrer la dimension relative temps qui passe, je retiendrais celle de Paul Bourget dans "Le
sens de la mort" : "Quand on
attend, les secondes sont des années, et quand on se souvient, les années sont
des secondes." Le temps est
omniprésent dans notre imaginaire collectif et l'on ne compte plus le nombre
d'artistes, d'écrivains, de poètes qui en ont fait un thème majeur de leur œuvre.
On songe aux Montres molles de
Salvador Dali, aux chansons Avec le temps
de Léo Ferré, Je n'aurai pas le temps
de Michel Fugain ou encore Le temps
de Charles Aznavour. Mais comment ne pas citer l'intemporel À la recherche du temps perdu de Marcel
Proust ou les Considérations
intempestives de Friedrich Nietzsche !
Dès lors, rien
d'étonnant à ce que le concept de temps
se retrouve sous les formes les plus diverses dans la langue française. Quand
deux personnes se retrouvent après un certain
temps, il n'est pas rare que l'une déclare : "cela fait un bail" qu'on ne s'est pas vu. Comme on sait, un bail est un contrat de location, de
durée très variable. Certains baux –
dits emphytéotiques – peuvent porter sur des durées très longues, jusqu'à 99
ans, d'où l'idée de longue durée lorsque cela
fait un bail qu'on est resté sans nouvelles de quelqu'un. Mais on entend
parfois aussi dire cela fait une paye.
Cette expression résulte sans doute d'une déformation de la précédente ; mais
elle fait également référence à l'intervalle entre deux payes, de nos jours généralement un mois.
Quid des lustres ? "Cela fait des lustres que je ne t'ai pas vu". Au 17ème
siècle, le lustre désigne une période
de cinq ans. Mais pourquoi donc ? L'explication est à chercher dans l'antiquité
romaine où le lustre désignait un
sacrifice ou une cérémonie purificatrice (cf. lustration) qui avait lieu tous les cinq ans lors du recensement de
la population. De nos jours un lustre
désigne une période relativement longue.
Lorsqu'un pilote se
targue de compter un grand nombre d'heures
de vol, il fait valoir son expérience et, par conséquent, la sécurité qu'il
apporte à ses passagers. En revanche, dans tout autre contexte que celui de
l'aviation, si l'on on dit d'une personne qu'elle a des heures de vol, le propos est tout sauf élogieux. Il est vrai
que notre société privilégie grandement la jeunesse. Corneille n'écrivait-il
pas déjà dans Le Cid "Je suis jeune,
il est vrai, mais aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des
années" ? Lesquelles années se disent, en argot, piges, balais ou berges. Pour en revenir aux heures, celles-ci deviennent des plombes en argot, sans doute par
référence au marteau qui tombe d'aplomb
sur la cloche pour sonner les heures, d'où plomber
au sens de frapper et finalement de sonner.
Il est souvent
insupportable d'attendre ou, plus familièrement, de faire le poireau ou encore poireauter.
L'image du poireau, planté bien droit
et immobile, est à l'origine de cette expression. C'est ce qu'il vous arrive
quand vous restez planté quelque
part. Et l'on retrouve ici l'origine du terme planton, cette sentinelle qui reste plantée à attendre des ordres. Il n'est pas sûr, en revanche, que
l'expression faire lanterner quelqu'un fasse référence à l'immobilité
verticale d'un lampadaire.
Si, ami lecteur, amie
lectrice, vous me prenez en défaut sur telle ou telle interprétation, je vous
répondrai au temps pour moi à moins
que je ne déclare autant pour moi.
Cette expression avec ces deux graphies mériterait un billet à part entière,
tant il y de controverses à ce sujet. Nous nous contenterons d'indiquer qu'au temps, en langage militaire, est un
ordre destiné à faire reprendre un mouvement depuis le début, au temps pour moi signifiant dès lors
qu'on reconnaît son erreur et qu'on est prêt à revoir sa position, à revenir en
arrière. Mais la graphie autant pour moi
a également ses partisans : mon interlocuteur a commis des erreurs, mais je
n'en suis pas non plus exempt, autrement dit il y en a autant pour moi.
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