Le terme même de théâtre (ainsi que ses dérivés théâtral, théâtraliser etc.) se distingue déjà par une graphie unique dans la
langue française, à savoir un "e" accent aigu suivi d'un "a" accent circonflexe. Cette particularité ne justifierait pas d'y
consacrer tout un billet. Ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est le
vocabulaire propre au théâtre et ses
fréquents emplois métaphoriques dans la langue française.
Pour assister à un
événement quel qu'il soit, le mieux n'est-il pas d'être installé aux premières loges ? Les artistes ont
des loges qui leur permettent de se
maquiller ou de changer de costume. Mais les loges d'une salle de spectacle constituent un emplacement de choix,
habituellement réservé aux spectateurs de marque (et fortunés). Quant aux premières loges, ce sont celles qui
bénéficient de l'emplacement le plus favorable pour suivre la pièce.
La baignoire, quant à elle, est une loge située légèrement au-dessus du parterre ; elle tire sans doute son
nom de la forme convexe du muret qui sépare cette loge du reste de la salle et qui lui donne un air de baignoire. En tout état de cause, mieux
vaut un siège d'orchestre (la partie
avant du parterre, parfois réservée à
l'orchestre), de baignoire ou en loge, que de se retrouver au paradis ou au poulailler, c.-à-d. la partie la plus élevée de la salle et par
conséquent la plus éloignée de la scène.
L'origine de poulailler est
incertaine : nous retiendrons l'explication du Littré de 1880 : "La partie
du théâtre élevée et la plus incommode, les spectateurs y étant juchés par
gradins comme sur un perchoir ; c'est le milieu du dernier étage". Quant
au paradis, qui désigne la même zone
de façon beaucoup plus poétique, il tire sans doute son nom de sa position très
haute, qui plus est au voisinage du plafond de la salle souvent orné de scènes mythologiques
ou religieuses. Le film de Marcel Carné Les
Enfants du paradis (1945) évoque l'atmosphère populaire de cette partie
d'un théâtre.
Les trois coups annoncent le début de la
pièce. Cette tradition connaît plusieurs explications : peut-être une évocation
de la Trinité ou bien trois saluts, l'un pour la prétendante côté jardin,
le second pour le machiniste côté cour
et le troisième pour le public. Le sens de prétendante
dans ce contexte nous échappe et nous serions heureux de recevoir tout éclaircissement
à ce sujet. Les trois coups sont
frappés au moyen d'un bâton nommé brigadier
: au départ, le brigadier était un
ouvrier dirigeant une équipe ou brigade, chargé de frapper les trois coups. Par métonymie, le brigadier a ensuite désigné le bâton
employé à cette fin.
Le côté cour désigne le côté droit de la scène vu de la salle, et le côté jardin le côté gauche. Ces termes
viennent de l'époque où la troupe de la Comédie Française était installée, à
partir de 1770, dans la Salle des
machines du Palais des Tuileries : ce lieu, également appelé Théâtre des Tuileries était une vaste
salle de spectacle aujourd'hui disparue qui donnait d'un côté sur la Cour du Louvre et de l'autre sur le Jardin des Tuileries. Moyen
mnémotechnique pour se souvenir de l'emplacement de la cour et du jardin : J. C.
(comme Jésus Christ ou Jules César, avec le "J" de Jardin à gauche et le "C" de Cour
à droite).
Qui n'a jamais dit merde ! à quelqu'un pour l'encourager
avant un examen ou un entretien d'embauche par exemple ? Cette expression
viendrait du théâtre : plutôt que de
souhaiter "bonne chance" – formule qui porte malheur – à un acteur ou
un membre de la production on lui dit merde
! A l'époque où les spectateurs se faisaient déposer au théâtre en calèche, le volume de crottin
produit par les chevaux était bien sûr proportionnel au nombre de spectateurs.
En disant merde ! aux artistes, on
leur souhaitait beaucoup de crottin, autrement dit beaucoup de spectateurs.
Ah, les délices de la langue française mais aussi l'enfer de ceux qui n'ont pas la culture correspondante et celui des interprètes.Francis
RépondreSupprimerC'est vrai : le français est une langue aussi belle qu'exigeante. Mais cela n'est-il pas vrai de toutes les langues ?
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