S'il est bien un sport
linguistique national popularisé par le célébrissime Album de la Comtesse du Canard
Enchaîné, c'est bien celui de la contrepèterie. Selon le Petit Robert, ce terme nous vient de
l'ancien français (1582) où contrepéter
voulait dire "rendre un son pour un autre". La définition qu'en donne
ce dictionnaire est la suivante : "Interversion des lettres ou des
syllabes d'un ensemble de mots spécialement choisis, afin d'en obtenir d'autres
dont l'assemblage ait également un sens, de préférence burlesque ou
grivois".
La première
contrepèterie que j'ai entendue dans la cour de récréation était : vaut-il mieux glisser dans la piscine
ou pisser dans la glycine ? Voilà qui n'était pas
bien méchant. Quelques années plus tard on me fit remarquer, avec un clin d'œil
un peu grivois, que les jeunes filles
aimaient le tennis en pension. Citons encore, parmi les
grands classiques : ces femmes sont folles de la messe.
En cette saison
venteuse et hivernale il n'est pas rare de ressentir un petit vent qui siffle dans la rue du quai. Mais heureusement, nous allons vers
la belle saison et ce sera bientôt le printemps des élections ! Et incontestablement, les porte-mines sont
préférables à leur version contrepétée. Au fil de l'histoire mouvementée du
continent asiatique, combien de fois avons-nous vu la Chine se dresser à la vue
des Nippons !
Les ouvrages consacrés
à la contrepèterie sont légion et il hors de question, ici, de prétendre à une
quelconque exhaustivité. Parmi les curiosités de cette pratique, citons les
quatre formules suivantes, qui se rapportent toutes à l'univers carcéral : les cachots sont bourrés, les barreaux sont
couchés, les carreaux sont bouchés et
les bourreaux sont cachés.
Finalement, ce sont
les contrepèteries (a priori) involontaires qui sont les plus amusantes. Personne
n'a ainsi oublié le spectaculaire slogan de la chaîne d'hypermarchés Mammouth :
Mammouth
écrase les prix ! C'est au
regretté Coluche que nous devons la découverte de cet exploit publicitaire.
Plus récemment, lors de la piétonisation – controversée - des voies sur berges
dans la capitale, la Mairie de Paris a déployé un grand nombre de panneaux
publicitaires portant l'inscription Les berges sont à vous ! Ce n'était peut-être pas le meilleur moyen de motiver
les joggeurs. En janvier 2017 on pouvait lire le titre suivant dans Le Parisien
: C'est beau Magritte la nuit.
Pour une fois sans la moindre grivoiserie, le Gîte de la Tourelle dans le Pas-de-Calais serait
peut-être un hébergement idéal pour les personnes souffrant de troubles
obsessionnels compulsifs. Et j'avoue que je n'avais jamais repéré la
contrepèterie dissimulée dans le nom de la station de métro parisienne Place
des Fêtes.
Aucun domaine
n'échappe à la contrepèterie. Prenons par exemple le sport : je ne suis pas
certain que le sympathique joueur de tennis Lucas Pouille (permutation triple) a conscience du vilain jeu de mots
auquel son patronyme peut se prêter. Quant à un international de football bien
connu, il y a fort à parier que ses fans aient
réclamé des buts à Cissé.
Nous conclurons cette
chronique en citant la plus célèbre contrepèterie belge : il fait beau et chaud !