"Je vais monter à Paris pour le week-end et je redescendrai
lundi" : voilà une formule qu'on peut entendre couramment dans la bouche
d'un Grenoblois, d'un Lillois ou d'un Brestois – comme si la capitale occupait
une situation géographique plus élevée que les villes de province. En vérité,
la langue traduit ici simplement la perception d'une domination politique,
institutionnelle, économique, culturelle etc. de Paris par rapport au reste de
l'hexagone (rappelons à ce propos
qu'un hexagone est une figure géométrique à six côtés et que
l'expression "aux quatre coins de
l'hexagone" parfois entendue dans la bouche de certains journalistes
est un tantinet ridicule).
Pourtant, la province n'a rien à envier à Paris : même
si la structure politique de la France concentre beaucoup de pouvoirs dans la
capitale, on vit au moins aussi bien, sinon mieux à Bordeaux, Lyon, Strasbourg,
Nantes etc. Pourtant, au fil du temps, ce terme de province a pris curieusement
une connotation négative. Une mentalité provinciale, un certain provincialisme
dénotent un manque de sophistication dont ne saurait souffrir le Parisien. (Il
n'est cependant pas certain que l'accusation de parisianisme soit préférable à celle de provincialisme). Et c'est ainsi que, dans le discours public, la province céda la place à la Région. Quand un ministre se déplace en Région il va à la rencontre d'une
autre France, qui, si elle est différente de l'Île-de-France, n'est en rien inférieure à cette dernière.
Et soudain – patatras –
exit la Région, terme que l'on
réserve désormais principalement à l'entité administrative qu'elle constitue. Le
choix du nom des nouvelles Régions
issue de la récente réforme territoriale a donné lieu à de longs et parfois
vifs débats. Au moment où nous écrivons ces lignes, la Région PACA (Provence Alpes Côte d'Azur) veut se renommer Région Sud : il est vrai qu'il n'est
guère plaisant d'habiter dans un acronyme !
Dorénavant, lorsqu'on
veut évoquer ce qui se passe ailleurs qu'à Paris, on parle des territoires : "il faut renforcer la
couverture des territoires en
internet très haut débit", peut-on entendre ; de toute évidence, cette
phrase a un autre poids que "il faut accélérer le déploiement de la fibre
en province" ! Du moins aux yeux
des technocrates dont la langue a souvent tendance à dessécher la vivacité, la
créativité, l'inventivité de notre belle langue française. On ne se désolera
pas cependant de la disparition de l'expression la France profonde" ou, pire encore, la France d'en-bas (Jean-Pierre Raffarin) dont on mesure le
caractère profondément valorisant
pour les intéressés !
Une chose est sûre : les habitants des banlieues défavorisées se sentent certainement beaucoup mieux depuis qu'ils habitent dans les quartiers.
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