samedi 16 décembre 2017

Petite leçon de géographie

"Je vais monter à Paris pour le week-end et je redescendrai lundi" : voilà une formule qu'on peut entendre couramment dans la bouche d'un Grenoblois, d'un Lillois ou d'un Brestois – comme si la capitale occupait une situation géographique plus élevée que les villes de province. En vérité, la langue traduit ici simplement la perception d'une domination politique, institutionnelle, économique, culturelle etc. de Paris par rapport au reste de l'hexagone (rappelons à ce propos qu'un hexagone  est une figure géométrique à six côtés et que l'expression "aux quatre coins de l'hexagone" parfois entendue dans la bouche de certains journalistes est un tantinet ridicule).

Pourtant, la province n'a rien à envier à Paris : même si la structure politique de la France concentre beaucoup de pouvoirs dans la capitale, on vit au moins aussi bien, sinon mieux à Bordeaux, Lyon, Strasbourg, Nantes etc. Pourtant, au fil du temps, ce terme de province a pris curieusement  une connotation négative. Une mentalité provinciale, un certain provincialisme dénotent un manque de sophistication dont ne saurait souffrir le Parisien. (Il n'est cependant pas certain que l'accusation de parisianisme soit préférable à celle de provincialisme). Et c'est ainsi que, dans le discours public, la province céda la place à la Région. Quand un ministre se déplace en Région il va à la rencontre d'une autre France, qui, si elle est différente de l'Île-de-France, n'est en rien inférieure à cette dernière.

Et soudain – patatras – exit la Région, terme que l'on réserve désormais principalement à l'entité administrative qu'elle constitue. Le choix du nom des nouvelles Régions issue de la récente réforme territoriale a donné lieu à de longs et parfois vifs débats. Au moment où nous écrivons ces lignes, la Région PACA (Provence Alpes Côte d'Azur) veut se renommer Région Sud : il est vrai qu'il n'est guère plaisant d'habiter dans un acronyme !

Dorénavant, lorsqu'on veut évoquer ce qui se passe ailleurs qu'à Paris, on parle des territoires : "il faut renforcer la couverture des territoires en internet très haut débit", peut-on entendre ; de toute évidence, cette phrase a un autre poids que "il faut accélérer le déploiement de la fibre en province" ! Du moins aux yeux des technocrates dont la langue a souvent tendance à dessécher la vivacité, la créativité, l'inventivité de notre belle langue française. On ne se désolera pas cependant de la disparition de l'expression la France profonde" ou, pire encore, la France d'en-bas (Jean-Pierre Raffarin) dont on mesure le caractère profondément valorisant pour les intéressés !

Alphonse Allais  disait : "on devrait construire les villes à la campagne car l'air y est plus pur" ; s'il était aujourd'hui Ministre de la cohésion des Territoires, il déclarerait certainement : "nous devrions porter des projets de développement urbain dans la ruralité pour bénéficier d'une moindre charge en polluants atmosphériques". Eh oui : la campagne, qui fleure bon le foin coupé et le fumier, n'a plus la cote et a cédé la place à la ruralité où des agriculteurs, voire des agronomes (certainement pas des paysans), abondamment diplômés, ne se contentent pas d'être un maillon indispensable de la chaîne alimentaire, mais apportent aussi une contribution décisive à l'aménagement du territoire (au singulier cette fois-ci).

Une chose est sûre : les habitants des banlieues défavorisées se sentent certainement beaucoup mieux depuis qu'ils habitent dans les quartiers.

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