mercredi 20 décembre 2017

Deux neurones qui se battent en duel

On attribue à Albert Einstein la citation suivante à propos de sa vision de l'infini : "Deux choses sont infinies : l'Univers et la bêtise humaine. Mais, en ce qui concerne l'Univers, je n'en ai pas encore acquis la certitude absolue". Citation authentique ou apocryphe – peu importe. Ce qui est sûr, en revanche, c'est que la langue familière regorge d'expressions pour qualifier une personne dont les capacités intellectuelles laissent à désirer ou, comme j'ai pu le lire dans un roman, qui "est arrivée en retard le jour de la distribution de l'intelligence".

Parmi les expressions plutôt rares, citons le pittoresque "il/elle n'a pas sucé la Tour Eiffel pour la rendre pointue". On retrouve souvent cette idée de "pointu", "futé"/"affûté", "aiguisé", "tranchant" pour qualifier l'intelligence. Quelqu'un d'obtus ne brille pas par une intelligence aiguë. Il n'est pas très flatteur de se voir accuser de ne pas être le couteau le plus affûté du tiroir (expression qui existe d'ailleurs à l'identique en anglais) ; il est incontestablement préférable d'être une fine lame. Et pour résoudre un problème, on cherchera toujours à réunir les experts les plus pointus capables de percer avec acuité les mystères qu'on leur soumet. Un esprit émoussé ne fera jamais l'affaire.

Le secret de la bonne cuisine réside souvent dans la qualité de la cuisson : trop cuit ou pas assez, le plat n'est pas bon. Si j'accuse mon prochain d'être mal cuit, c'est que j'aurais des doutes sérieux sur ses capacités intellectuelles. On entendra aussi parfois untel n'est pas fini de cuire, ou bien il lui manque un quart d'heure de cuisson, autrement dit il lui a manqué un fagot (pour alimenter le feu servant à la cuisson). La situation n'est guère plus reluisante pour quelqu'un qui a été démoulé trop chaud.

Que notre langue est riche pour qualifier ceux qui n'ont pas inventé l'eau chaude, à moins que ce ne soit l'eau tiède, la poudre, le fil à couper le beurre : parfois ils n'ont que deux neurones qui se battent en duel ou, pire encore, les fils qui se touchent (avec un sérieux risque de court-circuit). Tous ces malheureux ont-ils été bercés trop près du mur, voire ont-ils été finis au pipi (ou à la pisse dans un registre plus vulgaire) ? En tout cas une chose est sûre : ils n'ont pas volé le Saint-Esprit ! On est bien mal parti dans l'existence quand on est bas de plafond. Si, en plus, on n'a que deux de tension, il bien peu probable qu'on réussisse de grandes choses dans la vie.

Tout cela va-t-il changer avec l'avènement de l'intelligence artificielle ? Cette dernière aura-t-elle un jour raison de la bêtise naturelle ? Qu'il me soit permis d'en douter !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire