vendredi 5 août 2022

Chauffe Marcel, chauffe …

 

Qui ne s'est jamais posé la question de l'origine du terme marcel pour désigner un maillot de corps ou, pour les plus anciens d'entre nous, un tricot de peau ? Avant de répondre à cette question, il faut faire une petite excursion par le Ventre de Paris, cher à Émile Zola, c'est-à-dire les Halles de Paris. En effet, ce type de vêtement était porté par les "forts" des Halles qui étaient chargés du déchargement – ou  débardage – des camions qui assuraient l'approvisionnement du marché parisien dès le milieu du XIXe siècle. Ces hommes étaient des débardeurs et c'est par métonymie que ce terme finit par désigner le vêtement qu'ils portaient. Et le marcel dans tout ça ? Le vêtement prend ce nom lorsque Marcel Eisenberg, propriétaire des "Établissements Marcel" à Roanne, en lance la commercialisation.

Nous allons, une fois n'est pas coutume, faire un petit détour par la langue de Shakespeare et nous intéresser au nom que les anglophones donnent à ce vêtement. En anglais, un marcel est un wife beater, autrement un "individu qui bat sa femme". Là encore, c'est le procédé de la métonymie qui fait qu'on donne au vêtement  le terme  qui désigne la personne qui le porte. Faut-il en conclure que, dans le monde anglophone, tous les hommes qui arborent un marcel sont des brutes épaisses ? Non, évidemment. Cependant, en 1947, un crime brutal a ému l'opinion publique et a indirectement associé un homme violent battant sa femme au maillot de corps blanc sans manches. Un natif de Détroit, James Hartford Jr., a été arrêté pour avoir battu sa femme à mort. Et sa photo, le représentant vêtu d'un débardeur tâché avec la légende "the wife beater" a fait la une dans tout le pays. Là où en France un fort des Halles est à l'origine du débardeur (puis du marcel), aux États-Unis ce même vêtement doit son étymologie à un homme violent.

Le débardeur blanc est devenu iconique au cinéma, par exemple avec James Dean ou encore Marlon Brando dans "Un tramway nommé Désir" (où il interprète d'ailleurs un homme violent, Stanley Kowalski) et plus récemment avec Bruce Willis dans "Die Hard" ; Bruce Lee arbore également un wife beater dans "La fureur du Dragon" sorti en 1972. Pour des raisons aisément compréhensibles, le monde anglophone utilise désormais un terme plus "politiquement correct" pour désigner ce vêtement. On le trouvera habituellement sous l'appellation de athletic shirt (ou A-shirt) ou encore tank top.

Au Québec et en Suisse romande, le marcel  est appelé camisole, et en Belgique c'est un singlet : dans ce dernier cas il s'agit d'un anglicisme, singlet étant utilisé pour désigner ce vêtement principalement en Australie et en Nouvelle-Zélande. Concluons ce billet estival sur le crop top ou haut court, ce vêtement qui laisse voir le nombril de celui, en général d'ailleurs plutôt celle qui le porte. Si je mentionne ce vêtement c'est pour mettre en avant l'extraordinaire créativité lexicale de nos amis québécois qui l'appellent chandail bedaine.

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