Voilà un
petit mot de trois lettres – le ban –
qui a produit de nombreux et étonnants tentacules sémantiques dans notre
langue. Selon les périodes le ban
désigne une loi dont la non-observance entraîne une peine (XIIe
siècle), une amende venant sanctionner un délit contre le pouvoir public (VIe
siècle), la convocation lancée par le suzerain aux vassaux pour le servir à la
guerre (VIIIe siècle), une proclamation par le suzerain pour
ordonner ou défendre une chose (VIIe siècle) et, par métonymie, le
territoire soumis à la juridiction du suzerain (Xe siècle).
C'est ainsi
qu'on retrouve le sens de proclamation officielle dans la publication des bans de mariage. Lorsqu'une proclamation
était précédée ou suivie d'un roulement de tambour, on appelait cela ouvrir et fermer le ban. "Fermez le ban !" s'entend
encore de nos jours pour clore ironiquement un propos, un discours au sens de
"l'affaire est close, toute autre remarque serait superflue". Lorsqu'on
battait le ban des récoltes ou des
vendanges, on annonçait le jour d'ouverture de ces travaux agricoles. Par
extension de cette dernière acception, on propose parfois un ban pour le vainqueur, qui prendra la forme d'applaudissements généralement
accompagnés d'un "hip, hip, hip hourrah !".
Lorsque,
sous le régime féodal, le suzerain adressait une convocation à ses vassaux, il convoquait le ban et l'arrière-ban, autrement
dit tous ses vassaux et arrière-vassaux, qui devaient se ranger sous sa bannière. L'expression est encore employée de nos
jours au sens figuré, et il n'est guère glorieux de faire partie de l'arrière-ban. Le terme de ban – dans son sens territorial – est
également à l'origine de l'adjectif banal.
Nous n'avons certainement pas oublié le four,
le moulin et le pressoir banal, appris en cours d'histoire. Leur
utilisation était soumise au versement par le vilain au seigneur de taxes
appelées banalités ; le four, le moulin et le pressoir banal étaient
en quelque sorte des équipements communaux ou communs, et c'est de là que nous
vient le sens actuel de banal, à savoir
"courant, sans originalité.
L'expression
mettre au ban signifie exclure,
exiler quelqu'un, autrement dit le bannir.
Si de nos jours une personne est mise au
ban de la société, elle est jugée
indigne et livrée au mépris public ; même chose pour un pays mis au ban des nations. Si un interdit
de séjour se retrouvait en rupture de ban,
c'est qu'il avait enfreint le jugement de bannissement
qui le visait. L'expression existe toujours dans un sens figuré :
"affranchi des contraintes de son état". André Maurois mentionne par
exemple "un universitaire en rupture
de ban". Et la banlieue
alors ? A l'époque féodale, la banlieue
n'est autre que l'espace d'environ une lieue autour d'une ville dans lequel
l'autorité faisait proclamer les bans
et avait juridiction.
Mais
surtout n'abandonnons pas en si bon
chemin : le terme d'abandon nous vient
de l'ancienne expression mettre a bandon
signifiant "mettre au pouvoir de…", autrement dit renoncer à une
chose (au profit de quelqu'un d'autre). Bandon
et ban ont la même étymologie. Et
l'ancien verbe forbannir (qui
signifie bannir, reléguer) nous a
donné forban : ce terme était synonyme
de bannissement en droit féodal, mais
il désigne également un marin qui pratique la piraterie pour son propre compte, et, par extension, un
homme sans scrupule, puis un bandit.
Ainsi
s'achève ce billet : fermez le ban !
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