dimanche 10 mai 2020

Périphrases, métonymies, synecdoques et métaphores



Je pris place à bord de mon automobile de la marque au losange pour commencer un périple qui allait me conduire de la Venise du Nord à la Capitale des Gaules. J'ai toujours préféré les voitures de ce constructeur à celles de la marque au lion ou de la marque aux chevrons. Peut-être allais-je faire une étape à Versailles et visiter le château du Roi Soleil ? La Ville rose n'était pas sur mon chemin, pas plus que la Cité phocéenne. En tout cas le pays du fromage suffit amplement à mon bonheur et je n'éprouve nul besoin de partir à la découverte de l'Empire du Milieu ou du Pays du matin calme. Et mon trajet était suffisamment long pour que je renonce à la petite reine.

Vous avez certainement reconnu dans le paragraphe ci-dessus les termes exprimés par autant de périphrases : Renault, Bruges, Lyon, Peugeot, Citroën, Louis XIV, Toulouse, Marseille, la France, la Chine, la Corée, une bicyclette. La périphrase est ce que l'on appelle une "figure de style de substitution" qui consiste à remplacer un mot par sa définition ou par une expression généralement plus longue. Cette figure de style fait partie de la catégorie des tropes, procédé qui consiste à détourner un mot ou une expression de son sens propre.

Dans la famille des tropes, on trouve aussi la métonymie, figure de style qui utilise un mot pour exprimer une idée distincte qui lui est associée. Exemple : "suite aux déclarations de l'ambassadeur de Chine, la réaction de Berlin ne s'est pas fait attendre" ; Berlin désigne ici le gouvernement allemand. Lorsque je dis que je vais boire un verre, c'est évidemment le liquide contenu dans le verre que je bois et non le verre lui-même. Dans un orchestre le premier violon est bien sûr le musicien qui joue de cet instrument. Et si je dis que "je n'ai plus de batterie", j'ai bien sûr toujours une batterie, mais elle est vide et je dois la recharger. L'usage de la métonymie est très fréquent et nous pourrions en multiplier les exemples à l'infini.

Cousine de la métonymie, nous avons la synecdoque : cette figure de style connaît plusieurs variantes. Ce peut être nommer le tout pour signifier la partie, comme dans ma voiture a crevé, alors que c'est le pneu qui a crevé, ou bien la France a gagné la Coupe du Monde de football alors que c'est l'équipe de France de football qui a remporté cette compétition. Le procédé inverse, à savoir nommer la partie pour signifier le tout, existe également : par exemple un cheptel de cinquante têtes, pour dire qu'il y a cinquante animaux. Ou bien toutes ces voiles qui naviguent sur le Bassin d'Arcachon, alors qu'il s'agit de voiliers. Il existe d'autres types de synecdoque : par exemple l'emploi du singulier à la place du pluriel (nous avons vaincu l'ennemi pour  les ennemis), ou du pluriel à la place du singulier (les soleils marins pour le soleil sur la mer). On peut aussi nommer une matière pour désigner un objet et vice-versa : des verres correcteurs sont bien sûr des lunettes de vue ; préférer l'olive au tournesol pour dire qu'on préfère l'huile d'olive à l'huile de tournesol.

Nous terminerons ce billet consacré à ces quelques figures de style en mentionnant la métaphore, un procédé qui consiste, comme nous l'explique le Petit Robert, "à employer un terme concret dans un contexte abstrait par substitution analogique, sans qu'il y ait d'élément introduisant formellement une comparaison". Si l'on dit de quelqu'un qu'il est un monument de bêtise, le terme de monument est employé dans un sens métaphorique. Si je dis que le doute me ronge, le verbe ronger prend ici un sens métaphorique, tout comme le verbe exploser dans l'expression les prix explosent.  Enfin, dans "Booz endormi" Victor Hugo nous offre sans doute le plus bel enchaînement de métaphores de la poésie française ; nous n'aurions pu trouver meilleure conclusion à ce billet :

Immobile, ouvrant l’œil à moitié sous ses voiles,
Quel dieu, quel moissonneur de l’éternel été,
Avait, en s’en allant, négligemment jeté
Cette faucille d’or dans le champ des étoiles.


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