Je pris
place à bord de mon automobile de la marque
au losange pour commencer un périple qui allait me conduire de la Venise du Nord à la Capitale des Gaules. J'ai toujours préféré les voitures de ce
constructeur à celles de la marque au
lion ou de la marque aux chevrons.
Peut-être allais-je faire une étape à Versailles et visiter le château du Roi Soleil ? La Ville rose n'était pas sur mon chemin, pas plus que la Cité phocéenne. En tout cas le pays du fromage suffit amplement à mon
bonheur et je n'éprouve nul besoin de partir à la découverte de l'Empire du Milieu ou du Pays du matin calme. Et mon trajet était
suffisamment long pour que je renonce à la petite
reine.
Vous avez
certainement reconnu dans le paragraphe ci-dessus les termes exprimés par
autant de périphrases : Renault, Bruges, Lyon, Peugeot, Citroën, Louis
XIV, Toulouse, Marseille, la France, la Chine, la Corée, une bicyclette. La périphrase est ce que l'on appelle une "figure de style de
substitution" qui consiste à remplacer un mot par sa définition ou par une
expression généralement plus longue. Cette figure de style fait partie de la
catégorie des tropes, procédé qui
consiste à détourner un mot ou une expression de son sens propre.
Dans la
famille des tropes, on trouve aussi
la métonymie, figure de style qui
utilise un mot pour exprimer une idée distincte qui lui est associée. Exemple :
"suite aux déclarations de l'ambassadeur de Chine, la réaction de Berlin ne s'est pas fait attendre"
; Berlin désigne ici le gouvernement
allemand. Lorsque je dis que je vais boire
un verre, c'est évidemment le liquide contenu dans le verre que je bois et non le verre
lui-même. Dans un orchestre le premier
violon est bien sûr le musicien qui joue de cet instrument. Et si je dis
que "je n'ai plus de batterie",
j'ai bien sûr toujours une batterie, mais elle est vide et je dois la recharger.
L'usage de la métonymie est très
fréquent et nous pourrions en multiplier les exemples à l'infini.
Cousine de
la métonymie, nous avons la synecdoque : cette figure de style connaît
plusieurs variantes. Ce peut être nommer le tout pour signifier la partie,
comme dans ma voiture a crevé, alors
que c'est le pneu qui a crevé, ou
bien la France a gagné la Coupe du Monde
de football alors que c'est l'équipe
de France de football qui a remporté cette compétition. Le procédé inverse,
à savoir nommer la partie pour signifier le tout, existe également : par
exemple un cheptel de cinquante têtes,
pour dire qu'il y a cinquante animaux. Ou bien toutes ces voiles qui naviguent sur le Bassin d'Arcachon, alors
qu'il s'agit de voiliers. Il existe d'autres types de synecdoque : par exemple l'emploi du singulier à la place du
pluriel (nous avons vaincu l'ennemi
pour les ennemis), ou du pluriel à la place du
singulier (les soleils marins pour le soleil sur la mer). On peut aussi
nommer une matière pour désigner un objet et vice-versa : des verres correcteurs sont bien sûr des lunettes de vue ; préférer l'olive au tournesol pour dire qu'on préfère
l'huile d'olive à l'huile de tournesol.
Nous terminerons
ce billet consacré à ces quelques figures de style en mentionnant la métaphore, un procédé qui consiste,
comme nous l'explique le Petit Robert, "à employer un terme concret dans
un contexte abstrait par substitution analogique, sans qu'il y ait d'élément
introduisant formellement une comparaison". Si l'on dit de quelqu'un qu'il
est un monument de bêtise, le terme
de monument est employé dans un sens
métaphorique. Si je dis que le doute me
ronge, le verbe ronger prend ici
un sens métaphorique, tout comme le verbe exploser
dans l'expression les prix explosent.
Enfin, dans "Booz endormi" Victor
Hugo nous offre sans doute le plus bel enchaînement de métaphores de la poésie française ; nous n'aurions pu trouver
meilleure conclusion à ce billet :
Immobile, ouvrant
l’œil à moitié sous ses voiles,
Quel dieu, quel moissonneur de l’éternel été,
Avait, en s’en allant, négligemment jeté
Cette faucille d’or dans le champ des étoiles.
Quel dieu, quel moissonneur de l’éternel été,
Avait, en s’en allant, négligemment jeté
Cette faucille d’or dans le champ des étoiles.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire