mardi 10 mars 2020

Cherchons la petite bête


S'il ne sera certainement pas élu "personnalité de l'année", le coronavirus sera sans aucun doute le mot de l'année 2020 ! Inutile de vous laver les mains avant de lire ce billet, ni de vous mettre en quarantaine après l'avoir lu. Une quarantaine désigne bien une durée de quarante jours, notamment quand on parle des 40 jours du carême. C'est également, au XVIIe siècle la durée d'isolement recommandée pour éviter la propagation d'une épidémie. Mais de nos jours, dans le domaine médical, une quarantaine ne dure pas nécessairement 40 jours ; on isole simplement le patient pendant la durée requise, jusqu'à ce qu'il ne soit plus contagieux. Dans le cas de la maladie à coronavirus 2019 abrégée en COVID-19 (acronyme anglais signifiant coronavirus disease 2019), la quarantaine ne dure que 14 jours. Perturbés par l'idée qu'une quarantaine puisse durer quatorze jours et n'étant jamais à court d'imagination, les journalistes qualifient désormais cette durée d'isolement de quatorzaine. Une quatorzaine correspond bien à une durée de 14 jours, mais cette acception d'isolement de quatorze jours est un néologisme né dans le sillage du coronavirus apparu fin 2019.

Les coronavirus forment une vaste famille de virus, du latin "virus" qui signifie "suc, jus, humeur", mais aussi "semence des animaux, venin, poison" ou "mauvaise odeur, puanteur, infection". Ce n'est pas une bestiole bien sympathique. Les coronavirus ou "virus à couronne", quant à eux, s'appellent ainsi parce qu'au microscope électronique ils sont caractérisés par une frange de grandes protubérances entourant leur enveloppe avec l'apparence d'une couronne, par analogie avec la couronne solaire. S'il y avait bien une raison pour combattre la monarchie, elle est toute trouvée !

Il ne faut pas confondre les virus, insensibles aux antibiotiques, avec les bactéries ou bacilles qu'on peut trucider à coup d'antibiotiques sauf en cas de résistance. Bactéries et bacilles ont la même étymologie : "baktêria" en grec ou "baculum" en latin qui signifient "bâton" dans les deux cas, par analogie avec la forme de ces microbes (du grec "mikros", petit, et "bios", vie). Quoi qu'il en soit, ces "petites vies" ou micro-organismes nous empoisonnent l'existence et nous rendent malades. Ce dernier terme nous vient également du latin "male habitus" qui signifie "en mauvais état".

Alors qu'on nous égrène quotidiennement les statistiques de l'épidémie (du grec "epidêmos", "qui séjourne (epi) dans un pays ou peuple (dêmos)", on rappellera quelques concepts souvent employés dans ce domaine. Tout d'abord la morbidité, du latin "morbus" (maladie), qui traduit le nombre de malades dans un groupe donné et pendant un temps déterminé. Un concept voisin est celui de prévalence qui correspond au nombre de cas de maladie enregistré, à un moment donné, dans une population déterminée : la prévalence englobe aussi bien les cas nouveaux que les cas anciens et ne doit pas être confondue avec l'incidence, qui représente le nombre de nouveaux cas apparus pendant une période de temps.

Espérons que l'avenir ne donnera pas raison à Jean de La Fontaine qui, dans "Les Animaux malades de la peste", écrit :
         Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés
Espérons que l'épidémie en reste une et ne se transforme pas en pandémie, en s'étendant au "peuple tout entier" (en grec "pandêmia").

Si vous êtes, chères lectrices, chers lecteurs, arrivés au bout de ce billet, nul besoin de vous immerger dans un bain de solution hydro-alcoolique : les mots ne sont pas contagieux mais, par chance, le plaisir de lire et d'approfondir sa connaissance de la belle langue française peut l'être.


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