Le
bombardement médiatique – fort compréhensible vu la situation – auquel a donné
lieu la crise sanitaire actuelle se traduit également par un bombardement
linguistique autour d'une poignée de mots ou d'expressions dont la fréquence
d'emploi suivra la courbe de l'épidémie elle-même.
À moins
d'être coupé du monde (dans une émission de téléréalité de type "Big
Brother" ou dans une situation comparable à celle de la protagoniste
principale du film "Goodbye Lenin"), nul ne peut dire qu'il n'a pas
entendu parler de confinement, de distanciation sociale ou de gestes barrières ces jours derniers.
Par un de
ces jolis paradoxes dont la langue a le secret, la racine latine de confinement, "confinis",
évoque d'abord l'idée de voisinage, de proximité, autrement dit exactement le
contraire de ce que l'on nous enjoint aujourd'hui. "Confinis" (de
"cum" et "finis") signifie contigu, voisin ou qui confine. D'ailleurs, au XVe
siècle, le verbe pronominal se confiner
signifiait "être proche par la parenté". C'est plus tard que le sens
figuré "se limiter à un espace restreint" prend le pas sur le sens
propre. Le confinement actuel reprend évidemment cette idée de
proximité, mais il ne s'agit pas, bien sûr, de proximité avec autrui, mais, bien
au contraire, de proximité avec soi-même. Confinement
a pris au fil des siècles le sens d'enfermement, d'abord dans le contexte pénal
de l'emprisonnement, puis dans celui de l'isolement d'un captif. De nos jours,
le confinement indique le fait d'enfermer ou d'être enfermé dans certaines
limites, le plus souvent abstraites ; dans la crise sanitaire présente, ces
limites sont extrêmement concrètes !
La distanciation sociale est un calque
direct de l'anglais "social distancing". Le terme de distanciation existe bien en français
mais renvoie généralement au théâtre brechtien : par opposition à
l'identification de l'acteur à son personnage, l'effet de distanciation (en allemand "Verfremdungseffekt"), prôné
par Bertolt Brecht, privilégie une prise de recul, de distance, de l'acteur à
l'égard du personnage qu'il incarne. Cette distanciation
a donc une acception plutôt abstraite, voire philosophique. Mais en faisant cet
emprunt direct à l'anglais, la distanciation
sociale prend un sens totalement concret : maintenons-nous à une distance
suffisante des autres pour que leurs postillons (susceptibles de grouiller de
virus) ne puissent pas nous atteindre.
Enfin il y a
les gestes barrières indispensables
pour faire barrage (même racine que barrière) au virus. A l'origine, une barrière est un assemblage de pièces de
bois ou de métal fermant un passage. Le cheminot chargé de la surveillance d'un
passage à niveau est un garde-barrière. Par
extension, barrière désigne la porte
d'une ville et l'enceinte fortifiée autour de celle-ci, significations que l'on
retrouve dans des toponymes tels que la Barrière
de Clichy ou la Barrière du Médoc.
Barrière s'emploie aussi dans une
acception abstraite, comme par exemple les barrières
douanières.
En
conclusion de ce deuxième billet inspiré par la triste actualité du moment, je
souhaite à toutes mes lectrices et tous mes lecteurs de rester en bonne santé
et armés d'un moral d'acier, et j'espère vivement pouvoir, le plus tôt possible,
consacrer ce blog à des sujets plus légers.
Restez chez
vous et sauvez des vies !
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