jeudi 7 novembre 2019

Oh putain !


Le juron putain et ses variantes euphémisées  comme purée, punaise ou pétard est sans doute l'un des plus fréquemment utilisés par les francophones. La prostitution (du latin "prostituere" = placer devant, exposer aux regards) est, dit-on, avec la traduction, l'un des plus vieux métiers du monde, ce qui lui a conféré une place de choix dans notre langue. Ainsi, l'étymologie de  putain (et de ses dérivés pute, putassier) traduit l'image très péjorative attribuée à la prostitution dans nos sociétés bien-pensantes : en effet, le mot putain  est apparenté au latin "putidus" qui veut dire pourri, gâté, puant, fétide (cf. le verbe latin "putere" = puer). Ces désignations sont à prendre dans leurs acceptions morales quand on parle des femmes de mauvaise vie ou des filles de joie.

Le terme de catin, lui, est un peu tombé en désuétude. Quand j'en évoquerai les racines, je sais que je ne me ferai pas que des amies : en effet catin est le diminutif affectueux ("hypocoristique" disent les linguistes) du prénom… Catherine, du latin "Catharina", sainte, vierge et martyre décapitée en 307, du grec mystique "Katharina", dérivé de "katharos", qui paradoxalement, signifie "pur" (sens que l'on retrouve dans "catharsis"). Mais le sens péjoratif de prostituée, qui remonte au 16ème siècle a éliminé les anciens emplois. Au 18ème siècle le terme de catin désignait également une poupée, sens conservé au Canada. Cette évolution linguistique pourrait s'expliquer par une assimilation entre la fille de la campagne ou la servante, ainsi désignée, et la fille facile : le sens de poupée n'a pu que favoriser cet amalgame.

Les péripatéticiennes (du grec "peripatein" = se promener en conversant, allusion à la philosophie de la Grèce antique où les disciples d'Aristote aimaient à se promener en discutant) exercent, comme chacun sait, le plus souvent sur le trottoir. Elles font le trottoir, ou le tapin, ce qui revient finalement à faire la retape, autrement dit un racolage bruyant qui est loin de se cantonner, de nos jours, dans le seul domaine des amours vénales. Etymologiquement, un tapin (du verbe "taper"), ne désigne pas le trottoir, mais un soldat qui bat le tambour sur la voie publique, ce qui, finalement, n'est pas très éloigné des activités des prostituées.

Le client de ces dames est souvent qualifié de micheton : il s'agit d'une variante de miché, forme populaire du prénom Michel, que l'on retrouve également dans le godemiché évoqué dans notre billet intitulé "Interdit aux moins de 18 ans". Et le verbe michetonner désigne logiquement, pour une prostituée, le fait de lever des clients.

Le maquereau et la maquerelle, ou encore le mac désignent le proxénète ou le souteneur. Eh bien, aucun rapport avec le poisson ! L'étymologie remonte au moyen néerlandais "makelâre" qui veut dire courtier, intermédiaire. C'est la même origine qu'on retrouve dans le "Makler" qui désigne un intermédiaire en affaires en Allemand ("Immobilienmakler" = agent immobilier), mais aussi dans le verbe anglais "make", faire. Et aussi bien le maquignon, que les verbes maquer et maquiller sont issus des mêmes racines linguistiques.

Et, avant de conclure, allons nous encanailler dans l'un des hauts lieux de la prostitution, à savoir le bordel. C'est un diminutif de l'ancien français "bord" ou "borde" qui désigne une petite maison, une cabane. Cette étymologie se retrouve encore fréquemment dans des toponymes tels que "Les Bordes" ou des patronymes comme "Laborde". Le sens spécialisé de "lieu de prostitution" vient du fait que les prostituées, en particulier dans les ports, ne pouvaient exercer leur commerce qu'à l'écart, dans des "bordes" qui formaient un quartier réservé, un "bordeau".

Nous terminerons en citant deux grandes œuvres du patrimoine culturel français : "La P… respectueuse", pièce de Jean-Paul Sartre de 1946, et "La Maman et la Putain", film de Jean Eustache de 1973.

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