Le juron putain et ses variantes euphémisées comme purée,
punaise ou pétard est sans doute l'un des plus fréquemment utilisés par les
francophones. La prostitution (du
latin "prostituere" = placer devant, exposer aux regards) est,
dit-on, avec la traduction, l'un des plus vieux métiers du monde, ce qui lui a
conféré une place de choix dans notre langue. Ainsi, l'étymologie de putain (et de ses dérivés pute, putassier) traduit l'image très péjorative attribuée à la
prostitution dans nos sociétés bien-pensantes : en effet, le mot putain est apparenté au latin "putidus" qui
veut dire pourri, gâté, puant, fétide (cf. le verbe latin "putere" =
puer). Ces désignations sont à prendre dans leurs acceptions morales quand on
parle des femmes de mauvaise vie ou
des filles de joie.
Le terme de catin, lui, est un peu tombé en
désuétude. Quand j'en évoquerai les racines, je sais que je ne me ferai pas que
des amies : en effet catin est le
diminutif affectueux ("hypocoristique" disent les linguistes) du
prénom… Catherine, du latin "Catharina", sainte, vierge et martyre
décapitée en 307, du grec mystique "Katharina", dérivé de
"katharos", qui paradoxalement, signifie "pur" (sens que
l'on retrouve dans "catharsis"). Mais le sens péjoratif de prostituée, qui remonte au 16ème
siècle a éliminé les anciens emplois. Au 18ème siècle le terme de catin désignait également une poupée,
sens conservé au Canada. Cette évolution linguistique pourrait s'expliquer par
une assimilation entre la fille de la campagne ou la servante, ainsi désignée,
et la fille facile : le sens de poupée n'a pu que favoriser cet amalgame.
Les péripatéticiennes (du grec
"peripatein" = se promener en conversant, allusion à la philosophie de
la Grèce antique où les disciples d'Aristote aimaient à se promener en
discutant) exercent, comme chacun sait, le plus souvent sur le trottoir. Elles font le trottoir, ou le tapin, ce qui revient finalement à faire la retape, autrement dit un
racolage bruyant qui est loin de se cantonner, de nos jours, dans le seul
domaine des amours vénales. Etymologiquement, un tapin (du verbe "taper"), ne désigne pas le trottoir,
mais un soldat qui bat le tambour sur la voie publique, ce qui, finalement,
n'est pas très éloigné des activités des prostituées.
Le client de ces dames
est souvent qualifié de micheton : il
s'agit d'une variante de miché, forme
populaire du prénom Michel, que l'on
retrouve également dans le godemiché
évoqué dans notre billet intitulé "Interdit aux moins de 18 ans". Et
le verbe michetonner désigne
logiquement, pour une prostituée, le fait de lever des clients.
Le maquereau et la maquerelle, ou encore le mac
désignent le proxénète ou le souteneur. Eh bien, aucun rapport
avec le poisson ! L'étymologie remonte au moyen néerlandais "makelâre"
qui veut dire courtier, intermédiaire. C'est la même origine qu'on retrouve
dans le "Makler" qui désigne un intermédiaire en affaires en Allemand
("Immobilienmakler" = agent immobilier), mais aussi dans le verbe anglais
"make", faire. Et aussi bien le maquignon,
que les verbes maquer et maquiller sont issus des mêmes racines linguistiques.
Et, avant de conclure,
allons nous encanailler dans l'un des hauts lieux de la prostitution, à savoir
le bordel. C'est un diminutif de
l'ancien français "bord" ou "borde" qui désigne une petite
maison, une cabane. Cette étymologie se retrouve encore fréquemment dans des
toponymes tels que "Les Bordes" ou des patronymes comme "Laborde".
Le sens spécialisé de "lieu de prostitution" vient du fait que les
prostituées, en particulier dans les ports, ne pouvaient exercer leur commerce
qu'à l'écart, dans des "bordes" qui formaient un quartier réservé, un
"bordeau".
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