La vie, dit-on, est
une maladie sexuellement transmissible toujours mortelle. Aussi la mort
est-elle bien présente dans notre vie, dans nos angoisses et dans notre langue.
Il est incontestablement plus plaisant de mourir
de rire que d'une intoxication alimentaire. Et celle ou celui qui jamais eu le
sentiment de mourir d'amour n'a
peut-être jamais réellement aimé. Et nous n'évoquerons même pas (belle
prétérition) la petite mort.
A quelques jours de la
Toussaint (ou Fête des Trépassés, de
"trépasser" = passer à travers, de l'autre côté) et de sa débauche de
chrysanthèmes (du grec "fleurs
d'or") nous allons nous livrer à une petite exploration linguistique de la
mort ou trépas.
Ainsi par exemple, le croque-mort ne s'appelle pas ainsi,
comme on l'entend parfois, parce l'employé de pompes funèbres (du latin "pompa" = procession, cortège,
et "funus" = funérailles) vérifiait que son client était bel et bien
mort en lui mordant les pieds, mais parce que croquer a ici le sens d'escamoter, faire disparaître (ainsi a-t-on
qualifié de croque-note un musicien
pauvre et sans talent qui croquait la
note, autrement dit la sautait, l'escamotait).
Le corps du défunt (du latin "defunctus" =
qui s'est acquitté de la vie) est parfois enveloppé dans un linceul : ce terme aussi vient du latin
"lintoleum" qui désigne une petite pièce de toile de lin (à ne pas
confondre avec "linoleum" qui désigne à l'origine un tissu enduit
d'huile de lin : reconnaissez qu'envelopper un mort dans du linoléum ne serait
pas du meilleur effet !). Le linceul
a remplacé le suaire (du latin
"sudarium" = mouchoir, mais aussi linge pour essuyer la sueur du visage – même étymologie que
suer, sudation…).
Quant au cercueil, il est étymologiquement
apparenté (avec une forte réduction phonétique) au sarcophage, du grec "sarkos" = chair et "phagein"
= manger. La bière qu'on trouve dans
l'expression mise en bière, n'a rien
à voir avec la boisson homonyme, mais nous vient du francique "bëra"
qui désigne une civière (et a donné "Bahre" = brancard en allemand). Cette
civière servait à transporter les malades, les blessés, mais aussi souvent les
morts qui étaient enterrés avec cet équipement. La généralisation du cercueil fit, par la suite, prendre au
mot bière le sens qu'on lui connaît
aujourd'hui.
Le cadavre (du latin "cadere" =
tomber, et qui a également donné "choir") sera souvent enterré dans
une tombe ou un tombeau : mais justement, alors qu'on pourrait croire que la tombe accueille celui qui est tombé, ce terme nous vient du latin "tumba",
mot apparenté à "tumulus" (monticule) qu'on retrouve dans
"tuméfier", "tumeur" ou encore dans l'allemand "Daumen"
qui désigne le pouce. Et nous voilà au cimetière
: du grec "koimêtêrion" = dortoir et, dans les textes chrétiens, lieu
où reposent les morts. Le mot grec est lui-même issu de "koiman" qui
signifie "se coucher pour dormir". Comme le chantait si joliment Georges Moustaki : "Nous avons toute la vie pour nous amuser, nous avons toute la
mort pour nous reposer".
Le deuil, quant à lui, est étymologiquement
apparenté à la douleur, du bas latin "dolus", qui signifie également
adresse, ruse et, par extension, fraude, ce qui nous a donné le substantif
"dol" et l'adjectif "dolosif".
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