lundi 17 septembre 2018

Le charme discret du … bon français

Durant des mois, le livre "Le charme discret de l'intestin" a caracolé en tête des ventes. Surfant sur le succès de cet ouvrage au titre et au contenu improbables, un auteur, se disant "mentaliste", a voulu prendre de la hauteur en publiant "Votre cerveau est extraordinaire", puis, plus récemment "Votre cerveau est définitivement extraordinaire". Mais que vient donc faire ici cet adverbe définitivement ? C'est, une fois de plus, un calque de l'anglais definitely, faux-ami des plus classiques. En bon français, on aurait pu utiliser vraiment, absolument, résolument etc. Nous n'allons pas condamner définitivement l'auteur de cet ouvrage, mais simplement l'inviter à utiliser les capacités certainement exceptionnelles de son cerveau  pour appréhender les subtilités linguistiques de l'anglais et du français.

Nul ne prétend que le français est une langue facile ; d'ailleurs, existe-t-il des langues faciles ? Nous en doutons fort. La langue française est difficile, voire très difficile.  Voire et non pas voire même comme on l'entend à longueur de temps sur les ondes et ailleurs. Voire, du latin verus "vrai", est utilisé (assez rarement de nos jours) comme exclamation exprimant le doute, comparable à vraiment dans son sens interrogatif. Le plus souvent voire sert à renforcer une assertion, à marquer une gradation : "votre cerveau a des capacités remarquables, voire exceptionnelles". Mais pourquoi donc vouloir à tout prix compléter voire d'un même parfaitement inutile ?

Autre formule trop souvent entendue et résolument pléonastique, pour ne pas dire doublement pléonastique : au jour d'aujourd'hui. Quand sait qu'aujourd'hui est déjà une sorte de pléonasme, c'est vraiment en faire trop. En effet, le hui dans aujourd'hui vient du latin hodie qui veut dire … aujourd'hui, en ce jour. Aujourd'hui suffit donc amplement et, si l'on a envie de varier, on peut dire aussi à ce jour.

Le mot espèce est féminin ! Que cela soit dit une fois pour toutes ! Alors pourquoi entend-on constamment un espèce lorsque ce terme est suivi d'un masculin ? Le substantif qui suit espèce semble produire une espèce de contagion. C'est bien une espèce (et en aucun cas un espèce) d'abruti qui m'a klaxonné alors que je ne démarrais pas assez vite au feu vert.

La paresse, dit-on, est le corollaire de l'intelligence : si l'homme a inventé la roue, c'est pour réduire l'effort physique requis pour transporter de lourdes charges. Cette paresse déteint aussi sur l'expression, par exemple lorsqu'on emploie un anglicisme au lieu de faire l'effort de chercher un équivalent dans sa langue. A l'ère des réseaux sociaux, nous avons pris l'habitude de poster des messages, de liker, voire de commenter des posts. Serait-ce ringard de publier un message ou d'aimer une publication ?

La paresse linguistique (nous n'irons pas jusqu'à parler de paresse intellectuelle) conduit aussi de nombreux locuteurs à employer le verbe solutionner à la place de résoudre. Bien que comptant plus de syllabes que résoudre, solutionner présente l'avantage notable d'être un verbe du premier groupe, par conséquent beaucoup plus facile à conjuguer que son concurrent. Encore eût-il fallu que nous résolussions les problèmes posés par la conjugaison du verbe résoudre. Mais eût-il été plus élégant que nous les solutionnassions ?

1 commentaire:

  1. Hui s'entend aussi en provençal , à savoir : "uei"(pron.u-eil)pour dire cejourBonne Dimanchade ( emprunté au Provençal contemporain qui n'aime guère les anglicismes)

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