"A la mi-Août
C'est tellement plus romantique
A la mi-Août
Y a d'la joie pour les matous"
Ces quelques vers sont
extraits d'une célèbre chanson de Ray Ventura (paroles d'André Hornez, musique
de Paul Misraki) qui date de 1950 et qu'on peut entendre dans le film Nous irons à Paris de Jean Boyer. (A
écouter ici : https://www.youtube.com/watch?v=k2-eC2ri-vk).
Après le précédent
billet consacré à la gent canine, nous nous intéresserons aujourd'hui aux
félins dont la présence dans la langue française n'a rien à envier à celle de
leurs congénères canins. Chat échaudé
craint l'eau froide, dit la sagesse populaire ; en effet, un chat ayant fait l'expérience d'un
liquide brûlant se montrera désormais tellement circonspect qu'il évitera
également tout contact avec l'eau froide. De l'expérience naît donc la
prudence, parfois peut-être excessive.
A l'époque actuelle,
dominée par le "politiquement correct" nous hésitons de plus en plus
à appeler un chat un chat : ainsi, un
sourd devient un malentendant, un handicapé une PMR (ou personne à mobilité
réduite), une femme de ménage une technicienne de surface, une caissière une hôtesse
de caisse ou un imbécile un mal-comprenant ! Le paradoxe – très amusant – c'est
que l'expression appeler un chat un chat
est tout sauf politiquement correcte puisque, depuis le 17ème siècle,
le chat en question ne fait
aucunement référence au félidé, mais à une partie de l'anatomie féminine encore
qualifiée ainsi de nos jours (en mettant chat
au féminin). Jean-Paul Sartre écrivait dans "Qu'est-ce que la
littérature" (dans Situations philosophiques) : "La fonction d'un
écrivain est d'appeler un chat un chat.
Si les mots sont malades, c'est à nous de les guérir. Au lieu de cela, beaucoup
vivent de cette maladie."
Intéressons-nous
maintenant à deux expressions apparentées à l'origine incertaine : avoir d'autres chats à fouetter – avoir d'autres
choses (plus importantes) à faire – et il
n'y a pas de quoi fouetter un chat – c'est une chose sans importance. Selon
l'éminent linguiste Alain Rey, fouetter serait ici une déformation de foutre (au sens le plus charnel du
terme) et le chat serait celui du
paragraphe précédent (ou peut-être par homonymie le chas qui désigne un orifice). Les anglophones sont en tout cas plus
prosaïques puisque l'expression correspondante en anglais est to have other fish to fry.
Mais pourquoi donc
dit-on qu'on a un chat dans la gorge
lorsqu'on est enroué ? Une explication, non confirmée, est la suivante : cela
viendrait d'un jeu de mots ou d'une confusion entre matou et maton, terme qui
désignait à l'origine du lait caillé ou des grumeaux de lait : lorsqu'on est
enroué on a les voies respiratoires encombrées par des glaires qui
s'apparentent peut-être à des grumeaux de lait ; on aurait donc un maton dans la gorge. Après cette
explication quelque peu capillotractée, je vous propose une interprétation
toute personnelle : et s'il s'agissait tout simplement d'un jeu de mots sur matou et ma toux ?
Lorsque nous sommes en
présence d'une énigme étymologique dont la solution résiste à toutes nos
investigations, il ne nous reste plus qu'à donner
notre langue au chat. Cette expression est relativement récente puisqu'elle
date du 19ème siècle ; à l'origine, on disait jeter sa langue aux chiens : en effet, on jette aux chiens les
restes, ce qui n'a plus de valeur, comme la langue de celui qui ne trouve pas
la réponse à la question. Pourquoi cette langue que l'on jetait aux chiens
est-elle devenue une langue qu'on donne
au chat ? Peut-être parce que, lorsqu'on mettait quelque chose dans l'oreille du chat, on lui confiait un
secret ; avec le temps, le chat se
retrouvait donc dépositaire de nombreux secrets et d'autant de connaissances
qu'il ne risquait pas de divulguer. Lorsqu'on donne sa langue au chat on la lui lègue puisqu'elle est devenue
inutile, mais en même temps on la lui confie afin de pouvoir la récupérer si
soudain la lumière se fait et que l'on trouve enfin la solution qu'on
cherchait. Mais peut-être a-t-on tout simplement voulu adoucir une formule
assez cruelle en remplaçant jeter par
donner et les chiens par un chat.
Alors que le chat est réputé être un animal très propre,
il est curieux que l'expression faire une
toilette de chat désigne une toilette rapide et superficielle ; il est vrai
toutefois qu'on n'observe pas souvent un chat
se mettre sous la douche et se savonner de l'extrémité des moustaches au bout
de la queue.
Nous terminerons avec le
dicton à bon chat, bon rat : dans cette
expression qui date du 16ème siècle, le chat désigne un chasseur rusé face auquel son gibier – le rat – devra développer des trésors d'ingéniosité
pour ne pas se faire attraper ; autrement l'élève devra égaler le maître, ou
bien, pour reprendre une expression du début du 17ème siècle, à bon assailleur bon défendeur : un
combat est juste si les adversaires sont de force égale.
un vrai plaisir de lire cela pour une linguiste éternellement à la recherche du sens et des origines des mots ...
RépondreSupprimerMerci pour vos encouragements !
SupprimerBravo Edgar pour ce billet amusant et instructif sur les subtilités animales de notre belle langue française. J'en conclus qu'à travers les âges le chat - compagnon à quatre pattes ou objet du désir - n'a cessé de stimuler la créativité humaine...
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