dimanche 30 septembre 2018

Froid ? Moi, jamais !


Alors que la canicule (cf. mon billet du 6 août 2018) n'est plus qu'un lointain souvenir, en ce début d'automne nous devons nous accoutumer à nouveau à des températures plus fraîches. Le temps qu'il fait est peut-être le sujet de conversation le plus fréquent et, par conséquent, notre langue fait une large place à quantité d'expressions liées à la météo.

Ces jours-ci, nous sommes tous aperçus que "le fond l'air est frais". J'ai beau scruter l'atmosphère, je n'ai jamais vu le fond de l'air, pas plus que sa surface, ni son épaisseur. Il n'empêche : le moment est venu de mettre une petite laine si l'on ne veut pas prendre froid, voire attraper un refroidissement. Il est curieux de constater que la cause d'un rhume, à savoir le froid ou le refroidissement, donne ainsi son nom à la pathologie elle-même. Et c'est la même chose en anglais (cold) et en allemand (Erkältung).

Mais pourquoi donc dit-on, quand la chute des températures est prononcée, qu'il fait un froid de canard (et non pas un froid de connard comme je l'ai entendu dire par un non-francophone qui présumait de ses capacités idiomatiques) ? La raison serait la suivante ; lors de la chasse au canard, qui se pratique principalement durant l'automne et l'hiver, le chasseur doit rester immobile durant des périodes prolongées jusqu'à être transi (du latin transire – aller au-delà, transpercer). Plus triste, l'expression un froid de gueux, qui fait sans doute référence à la misérable condition des gueux qui n'avaient pas de quoi se chauffer. Quant à l'argot cailler – même étymologie que coaguler -, ce verbe renvoie au fait que le froid amène – au sens figuré – le sang à se coaguler en caillots.

Alors que l'être humain est un animal à sang chaud, on lui demande souvent, face à une situation délicate, de garder son sang-froid, autrement dit de ne pas s'échauffer. Quand la situation devient dangereuse – peut-être au point qu'elle vous glace le sang -, non seulement faut-il garder son sang-froid, mais celui qui n'a pas froid aux yeux sera certainement avantagé : l'étymologie de cette dernière expression est incertaine ; une hypothèse : sachant qu'avoir froid au cul signifiait avoir peur et que l'œil en argot pouvait désigner ledit cul, celui qui n'a pas froid aux yeux désigne par conséquent un individu courageux et déterminé. Le froid est souvent associé à la peur, comme par exemple dans l'expression faire froid dans le dos. La peur et le froid ne sont-elles pas les principales causes des tremblements ? Voici une anecdote historique pour le rappeler :
Astronome et littérateur, président de la Constituante, puis maire de Paris, Jean-Sylvestre Bailly fut, comme tant d'autres révolutionnaires de la première heure, condamné à mort par la convention.
Il faisait déjà froid et il pleuvait ce 10 novembre 1793, le jour fixé pour son supplice, et le bourreau n'en finissait pas de préparer sa sinistre machine. Transi jusqu'à la moelle, Bailly grelottait de manière incoercible.
"- Tu trembles, Bailly, lui dit, gouailleur, un assistant du bourreau.
- Oui, mon ami, mais c'est de froid."

Quant à l'auteur d'un propos ou d'un acte déplacé, qui crée un malaise dans une assemblée, on dit volontiers qu'il jette un froid, sans doute parce que tout le monde se fige. Il ne devra pas alors s'étonner de ce que ses interlocuteurs lui battent froid, autrement dit lui manifestent de l'indifférence, voire de l'hostilité. On n'ira tout de même pas jusqu'à le refroidir, un des nombreux verbes qui signifient "tuer" en argot.

Chères lectrices, chers lecteurs, j'espère que ce billet de rentrée ne vous aura pas laissés froids.

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