En ce
funeste jour de Brexit, combien de fois n'a-t-on pas entendu dire que, si les
négociations entre l'Union européenne et le Royaume-Uni avaient tant duré,
c'est parce que les Britanniques voulaient conserver les avantages de leur
appartenance à l'UE tout en la quittant : autrement dit, ils voulaient le beurre et l'argent du beurre, ce qui
n'est tout de même pas très moral. Soit dit en passant, dans la langue de
Shakespeare le beurre devient gâteau,
puisque l'expression équivalente est have
your cake and eat it.
La valeur
du beurre a varié au fil des siècles.
A l'origine, le beurre constitue une
réelle valeur ajoutée : ne met-on pas du
beurre dans les épinards pour améliorer l'ordinaire ? Et celui qui fait son beurre gagne beaucoup d'argent.
Pour nos amis Wallons, avoir le cul dans
le beurre correspond à une situation d'aisance, voire de richesse. Et puis l'assiette au beurre, autrement dit la
plus richement garnie, était servie par la maîtresse de maison aux convives les
plus influents, qu'on voulait particulièrement choyer en contrepartie de
quelque faveur. L'assiette au beurre
traduit une situation source de profits ou de faveurs plus ou moins licites. La
même métaphore hautement lipidique se retrouve dans l'expression graisser la patte de quelqu'un. Mais
attention à ne pas promettre plus de
beurre que de pain, c.-à-d. faire une promesse qu'on ne peut pas tenir. Depuis
le XIXe siècle, on rencontre l'expression compter pour du beurre – autrement dit être sans valeur, sans intérêt
– avec cette fois-ci le beurre qui
devient une matière sans aucune valeur. Un Larousse du XIXe nous
apprend que l'expression vendre du beurre
voulait dire "être ignoré, délaissé dans la société" ; à cette
époque, les jeunes filles qui vendaient
du beurre dans les bals étaient celles qui faisaient tapisserie. Cette
acception dévalorisante et péjorative du beurre
est sans doute imputable à sa mollesse et à sa fusibilité.
Nul ne sait
qui a inventé le fil à couper le beurre
; en revanche nous connaissons tous d'innombrables individus qui ne l'ont pas
inventé (pas plus que l'eau chaude, l'eau tiède ou la poudre). Incontestablement,
il est plus facile de couper une motte de beurre
avec un fil, que, par exemple, avec
le tranchant de la main ou une tong ! Et quand une opération s'exécute avec une
grande facilité, ne dit-on pas que tout se déroule comme dans du beurre ? Le beurre,
quand il n'est pas réfrigéré, n'oppose guère de résistance. Exposé à la
chaleur, il finit par fondre et par disparaître ; voilà pourquoi, lorsqu'une
chose est hautement improbable, on n'a pas plus de chance de la voir que du beurre en broche (embrochez donc une
plaquette de beurre au-dessus de
votre barbecue, et vous verrez !).
Si le beurre est à consommer avec modération –
attention au cholestérol ! -, il en va de même pour les boissons alcoolisées. Celui
qui en abuse va rapidement être beurré
: beurré est ici une paronymie de bourré, autrement dit "rempli à ras
bord" d'alcool. Et lorsqu'on est beurré
comme un petit LU, c'est par référence aux célèbres petits beurres LU (Lefèvre
Utile). Mais attention : l'abus d'alcool peut rendre agressif et vous entraîner
dans une bagarre d'où on ressortira avec un œil
au beurre noir. A l'origine, l'expression était avoir un œil poché au beurre
noir, l'hématome autour de l'œil évoquant la sauce au beurre noir dans
laquelle on fait pocher un œuf : l'œil correspond au jaune d'œuf et le blanc,
coloré par le beurre noir, représente
l'hématome.
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