samedi 12 janvier 2019

J'en jaunis à l'idée...


Le jaune est très tendance par les temps qui courent. Il nous a donc paru intéressant de nous pencher sur l'étymologie et, plus généralement, la sémantique de cette couleur.

Comme nous l'apprend l'excellent Dictionnaire historique de la langue française (éditions Le Robert), jaune nous vient du latin galbus et galbinus qui signifie vert pâle ou jaune-vert. Cette étymologie apparaît encore plus nettement dans l'allemand gelb et l'anglais yellow. Pourtant l'adjectif latin désignant habituellement la couleur jaune est flavus (qu'on retrouve dans flavescent).

Depuis le 13ème siècle, le jaune, également la couleur de l'or et du safran, désigne la teinte que prend la peau d'une personne malportante. La jaunisse est là pour le rappeler. Au sens figuré, la locution familière en faire une jaunisse signifie "éprouver du dépit". Quant à la redoutable fièvre jaune elle s'appelle ainsi parce qu'elle est provoquée par un flavivirus (du latin flavus = jaune).

Le maillot jaune, qui distingue le premier au classement du Tour de France, s'appelle ainsi en raison de la couleur du papier du journal L'Équipe lors de la création de l'épreuve. Le jaune est choisi comme symbole positif de la couleur solaire.

Mais, à l'exception du maillot jaune, cette couleur se retrouve presque toujours dans des expressions à connotation fortement péjorative, comme par exemple le péril jaune pour qualifier la menace démographique et aujourd'hui économique qu'on attribue aux Asiatiques. Le jaune est également la couleur associée à Judas, mais c'est aussi la couleur du soufre, instrument des forces lucifériennes. C'est d'ailleurs cette propriété infâmante que l'on retrouve dans l'ignoble étoile jaune imposée aux juifs par les nazis en référence au passeport jaune des anciens forçats.

Et quand on dit de quelqu'un qu'il rit jaune, qu'entend-on exactement par là ? Deux origines possibles : chez Saint-Simon au 18ème siècle, les hépatiques au teint jaune ne pourraient rire que de manière forcée en raison des désagréments causés par leur maladie. Mais beaucoup plus tôt, en 1640, on trouve sous la plume d'Antoine Oudin, interprète à la cour de Louis XIII, l'expression "il rit jaune comme farine" ; or, dans l'argot de l'époque, la "farine" ne désignait pas l'aliment, mais une personne vicieuse. Par conséquent "rire jaune" voulait dire rire de manière malsaine et dissimulatrice.

Sont également qualifiés de jaunes les briseurs de grève, par référence au syndicalisme jaune qui s'oppose au syndicalisme rouge révolutionnaire. L'emblème des syndicats jaunes créés en 1899 était un brin de genêt et un gland jaune.

Et comment ne pas conclure ce billet sans évoquer le jaune, la couleur des … cocus. C'est en raison de toute la symbolique négative attachée à cette couleur qu'on l'attribue ainsi aux cocus. La locution être peint en jaune signifie "être trompé par sa femme".

P. S. Si les gilets que les automobilistes sont tenus d'emporter dans leur voiture sont jaunes, c'est pour pouvoir être vus de loin, sécurité oblige.

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