lundi 23 avril 2018

Ceci, cela


Le billet d'aujourd'hui est consacré à quelques erreurs courantes en français, qu'on entend pourtant parfois dans la bouche de personnes qui parlent très bien notre langue. D'ailleurs, ces erreurs sont plus souvent le fait de francophones natifs que d'allophones pour qui le français est une langue étrangère.

Ceci dit ou  cela dit ?

On ne devrait pas dire ceci dit ; en effet, ceci désigne ce qui est le plus proche et, par conséquent, ce qui suit alors que cela se rapporte à ce qui est plus éloigné et donc à ce qui précède puisque, par définition, un événement passé est plus éloigné qu'un événement futur. On doit donc dire cela dit ou bien cela étant ou encore cela étant dit, voire, au risque de paraître pédant, cela posé.

Quel mode après après que ?

Après que  se construit avec l'indicatif et non pas avec le subjonctif comme on l'entend pourtant trop souvent. En effet, alors que avant que implique une éventualité et justifie donc l'emploi du subjonctif, après que se rapporte à un fait accompli et requiert donc un verbe à l'indicatif : "après que nous nous sommes rencontrés, nous avons décidé de faire un bout de chemin ensemble" ; mais "avant que nous nous soyons connus, la vie avait été bien insipide".

Malgré que : à bannir !

Malgré que fait résolument mal aux oreilles. Il est tellement facile d'utiliser quoique, bien que ou encore alors que si l'on a besoin d'une construction verbale. Et gardons malgré pour marquer une concession avec un substantif : "malgré les progrès de l'intelligence artificielle, celle-ci n'arrive pas à la cheville de la stupidité naturelle". Il y a toutefois une exception : c'est l'expression désuète malgré que j'en aie, qui signifie malgré moi, malgré mes hésitations. L'entrée malgré du CNRTL est très intéressante à cet égard.

Revenir sur

Imaginons le commentaire suivant dans un journal télévisé : "Le Gouvernement va-t-il revenir sur sa décision de baisser les impôts de 50 % ? Nous allons revenir sur ce dossier après le reportage de notre journaliste." Dans la première occurrence, l'emploi de revenir sur est correct : l'expression traduit un changement de position, l'annulation d'une décision. Dans la seconde occurrence en revanche, la formule est fautive : il aurait fallu dire "nous allons revenir à ce dossier …". L'utilisation erronée de revenir sur est extrêmement fréquent, et même certainement majoritaire dans les médias.

Sur

La préposition sur est utilisée à tort et à travers, sans doute parce que ceux qui l'emploient se refusent à faire l'effort de chercher la préposition correcte. "La semaine prochaine, je serai sur Paris", entend-on à tout bout de champ. Est-il vraiment si difficile de dire "je serai à Paris" ou bien "je serai en région parisienne" ? Quant à l'horrible "je suis sur un dossier", il évoque immanquablement chez moi l'image d'une personne assise sur un épais dossier, peut-être pour se rehausser ou, justement, pour s'asseoir dessus au sens de "ne pas tenir compte de quelque chose, être complètement indifférent".

Depuis : préposition marquant le temps

"Je vous écris d'Arcachon" et non pas "je vous écris depuis Arcachon" ! La préposition depuis marque avant tout le temps et non le lieu. Mais combien de fois entend-on "notre correspondant nous a transmis ce reportage depuis Condom-sur-Baïse", alors que la préposition de fait parfaitement l'affaire. Depuis peut cependant marquer le lieu dans la construction depuisjusqu'à : "Les Pyrénées s'étendent depuis l'Atlantique jusqu'à la Méditerranée" : mais on a ici l'idée d'une continuité qui n'est pas dénuée d'une dimension temporelle.

Près ou prêt

Là encore, la confusion est fréquente. Près de, suivi d'un verbe à l'infinitif, traduit l'idée de proximité : "il n'est pas près d'y arriver" ; en revanche "être prêt à" signifie "être disposé à" : "je suis prêt à t'écouter". Quant à quelqu'un qui est prêt à tout

Littéralement

L'emploi de l'adverbe littéralement est très curieux : en effet son sens premier est "à la lettre, dans le plein sens d'un mot". Or, dans l'usage courant, littéralement est le plus souvent employé dans le sens de figurativement, qui est pourtant l'exact opposé. Lorsqu'on dit "les prix des cigarettes ont littéralement explosé", l'adverbe donne une valeur superlative au verbe, mais personne n'a jamais vu un prix "exploser". Et lorsque quelqu'un affirme "je suis littéralement mort de fatigue", il nous parle – si l'on prend ses propos au pied de la lettre, donc dans leur sens littéral – de l'au-delà ! Quant à un joueur de tennis qui s'est fait littéralement massacrer par son adversaire, il ne nous reste plus qu'à lui souhaiter un prompt rétablissement !

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