Depuis
des semaines, on ne cesse de nous rebattre les oreilles – et surtout les yeux –
avec l'expression pass sanitaire. Mais
pourquoi, grands dieux, pass et non passe, ou, mieux encore passeport sanitaire ?! Il semble bien
que le snobisme anglomaniaque ait encore frappé. Ainsi rencontre-t-on pass dans la quasi-totalité des médias
et jusque dans la transcription, sur le site internet de l'Élysée, de
l'allocution présidentielle du 12 juillet. Il n'y a guère que le Conseil d'État
qui, dans une décision contentieuse du 6 juillet 2021, écrit passe sanitaire.
On
ne peut être qu'interpellé, voire interloqué, par cette élision de la lettre "e" qui ne transforme pas pour
autant le pass sanitaire en œuvre littéraire comparable à La disparition, le célèbre roman en
lipogramme de Georges Perec ne comportant pas une seule fois la lettre "e" en quelque 300 pages.
Le
verbe passer ainsi que ses dérivés
nous viennent du latin passus –"pas"
– et passare – "traverser".
Si nous sommes de passage sur cette Terre,
nous avons cependant tous un passé qui
peut se conjuguer au passé simple, antérieur
ou composé. En dénonçant l'anglicisation rampante de la langue française, nous
ne sommes pas pour autant passéistes,
mais plutôt passablement énervés par
tous ceux qui laissent passer ces
assauts contre notre belle langue.
Le
substantif passe existe en français. Au
féminin, on peut faire des passes au
football, au rugby et dans nombre d'autres sports de balle. Il y a, bien sûr,
aussi les maisons de passe. Et les
saumons et autres poissons migrateurs apprécient les passes migratoires qui leur facilitent la remontée des cours d'eau.
Enfin, les amoureux du Bassin d'Arcachon – dont l'auteur de ce blog fait partie
– connaissant naturellement les passes
– souvent dangereuses - que doit franchir tout navigateur désireux d'entrer ou
de sortir du Bassin.
Au
masculin, passe est une abréviation
de passe-partout, terme qui désigne,
entre autres, une clef permettant d'ouvrir plusieurs portes, comme celles
qu'utilisent par exemple les employés d'hôtel, les facteurs ou les cambrioleurs.
C'est précisément ce que permet de faire – au sens figuré – le fameux passe sanitaire, en ouvrant aux personnes vaccinées contre la Covid (ou
testées négativement) les portes des établissements recevant du public. Mais
nous aurions même une préférence pour l'expression passeport sanitaire,
malgré le handicap que constitue la présence d'une syllabe supplémentaire par
rapport à passe.
Au
risque de nous faire traiter de Don Quichotte se battant contre des moulins à
vent, c'est dans la langue de Cervantès que nous répliquerons à ceux qui
s'escriment à abâtardir la langue française par des emprunts parfaitement
inutiles à l'anglo-américain : ¡No pasarán!