Parmi les innombrables avanies qu'on inflige à la langue française, le sort réservé aux prépositions s'apparente à un véritable massacre à la tronçonneuse. Certes, ils ne payent pas de mine, ces petits mots tels que de, à, depuis, pour, sur…, mais ils jouent pourtant un rôle essentiel dans la clarté de l'expression.
Commençons
par la préposition sur, mangée à
toutes les sauces – plus indigestes les unes que les autres – par les temps qui
courent. "La semaine prochaine, je serai sur Paris" ! Ah bon ; et pourquoi pas à Paris ? "Et une fois arrivé, je me remettrai sur votre dossier". Sauf à vouloir
littéralement s'asseoir sur le
dossier, ne vaudrait-il pas mieux dire "je reprendrai l'étude de votre dossier". "Je suis sur un coup", "je suis sur une affaire", autant d'emplois fautifs
de cette préposition. Là où cela se corse, c'est avec une phrase telle que "le
parlement reviendra sur ce texte en
fin de législature". "Revenir sur"
signifie "mettre en cause ce qui a été décidé précédemment, changer
d'avis, annuler un choix antérieur" ; or très fréquemment, "revenir sur" est employé fautivement à la
place de "revenir à". Si le
parlement revient sur un texte, c'est
qu'il compte le modifier, lui donner une autre orientation. S'il souhaite
simplement en reprendre l'examen, il revient à ce texte.
Doit-on
dire ou écrire "il continue à
boire" ou "il continue de boire".
La nuance est ici bien subtile, et la confusion entre les deux prépositions ne saurait
être considérée à proprement parler comme une faute. "Continuer à" s'emploie pour décrire une
action qui débute et se poursuit dans le temps alors que "continuer de" se réfère plutôt à une
habitude, à quelque chose qu'on n'a pas cessé de faire. Autrement, celui qui a
porté un verre à ses lèvres et poursuit son action jusqu'à le vider
"continue à boire", alors
que celui qui "continue de boire"
est un alcoolique qui persévère dans son vice.
Dois-je
remercier les lectrices et lecteurs de ce blog de leur fidélité ou bien pour
leur fidélité ? Là aussi la nuance est fine. Remercier pour s'emploie plutôt avec un nom concret - je vous remercie pour ce cadeau, pour ces fleurs – alors que remercier de est généralement suivi d'un nom abstrait : je vous remercie de votre confiance, de votre fidélité. Et la préposition de s'impose naturellement lorsque le remercier est suivi d'un verbe
à l'indicatif : je vous remercie de m'avoir
invité, et surtout pas "pour
m'avoir invité". (Dans le sud de la France, on entend assez régulièrement
"je vous remercie à tous" :
cet emploi fautif dérive probablement de "merci à tous", qui est tout à fait correct).
Autre
confusion bien fréquente sur les ondes et dans tous les médias : participer à et participer de. Participer à signifie
tout simplement prendre part à une activité donnée : je participe à la fête. Participer de, en revanche, signifie "avoir
une similitude de nature avec", "relever de" : ce spectacle
participe de la danse et du théâtre. On pourrait dire : ce blog
aimerait participer au rayonnement de
la francophonie et il participe d'une
conception de la langue qui ne se veut pas élitiste.
Nous
finirons avec la préposition depuis,
bien souvent maltraitée dans les médias avec des formules telles que "nous
retrouvons notre correspondant depuis
Londres". La préposition depuis
doit être réservée aux compléments circonstanciels de temps : "je ne l'ai
pas vu depuis lundi dernier". Depuis ne peut s'employer avec un
complément circonstanciel de lieu qu'avec un verbe de mouvement, par exemple :
"depuis Paris nous avons roulé
toute la nuit vers le sud" ou bien, en corrélation avec jusqu'à : "La France s'étend depuis Strasbourg jusqu'à Brest, depuis Dunkerque
jusqu'à Perpignan". Mais une
chose est sûre, je vous écris aujourd'hui d'Arcachon
et certainement pas depuis Arcachon !
P. S. : On se souvient de quelque-chose, mais on se rappelle quelque-chose et on remédie à un problème, mais on pallie une difficulté.
P. P. S. : Vous êtes un amoureux de la langue française et fréquentez Facebook ? Rejoignez-nous dans le Groupe "Langue française, langue vivante !"
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