On a tendance à croire
que le "politiquement correct" est une évolution récente de la
langue, qui conduit à dire non-voyant ou malvoyant à la place d'aveugle,
malentendant à la place de sourd, personne à mobilité réduite plutôt que
personne handicapée, personne de couleur plutôt que noir etc.
Mais cette
édulcoration de la langue n'a rien de nouveau ; on la trouve depuis fort
longtemps chaque fois qu'il s'agit d'éviter de blasphémer en prononçant le mot
"Dieu". C'est ainsi qu'on retrouve des expressions telles que nom d'une pipe, nom d'un chien, ou encore nom
d'un petit bonhomme, voire nom de nom
pour ne pas devoir dire nom de Dieu.
On mentionnera aussi
le terme crénom, dérivé de sacré nom. Parfois crénom est utilisé seul, mais c'est sans doute la formule crénom de nom qui est la plus répandue. Sacré se retrouve dans d'autres jurons,
comme par exemple sacrebleu qui
remplace (par le) sacre de Dieu. Mais l'adjectif sacré est également à l'origine de saperlipopette, terme lui-même dérivé de
sapristi, qui est une déformation de sacristi qu'on cherche à éviter car trop
blasphématoire.
Quant à bleu on le retrouve dans de nombreux
jurons (comme sacrebleu cité plus
haut) à la place de Dieu : parbleu
pour par Dieu, morbleu pour mort de dieu,
palsambleu pour par le sang de Dieu ou encore (assez désuet) ventrebleu pour ventre de Dieu.
Plus moderne que palsambleu, on a bon sang, bon sang de bonsoir
ou, plus rare, bon sang de bois. Là
encore, il s'agit d'invoquer sans blasphémer le sang de Dieu.
Et pour conclure nous
donnerons la parole à deux parmi les plus grands poètes français, Alfred de Musset
et Guillaume Apollinaire :
« C'est qu'il ne fait
pas bon me marcher sur les pieds. Vive Dieu ! Savez-vous que je n'en crains pas
quatre ? Palsambleu ! Ventrebleu ! Je vous avalerais »
(Alfred de Musset - À quoi rêvent les jeunes filles)
« Qu'est-ce qu'il se
met dans le coco ! Bon sang de bois
il s'est saoulé. »
(Guillaume Apollinaire
– Caligrammes)
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