La polémique née de
l'utilisation du terme Blitzkrieg
("guerre éclair") par une tête de liste aux élections européennes
nous donne l'occasion de nous pencher sur la présence de l'allemand dans la
langue française. Alors qu'on se plaint, souvent à tort, des nombreux
anglicismes qui émaillent notre langue, personne ne trouve rien à redire à tous
les mots allemands venus enrichir notre langue au fil des siècles.
"J'avais décidé
ce jour-là d'aller observer les edelweiss
dans la montagne (Leur cueillette est interdite). J'étais en train de préparer
mes affaires, et notamment mon frichti
et je me demandais si, outre quelques bretzels,
je devais également emporter une flasque
de schnaps au cas où la température
viendrait à chuter sévèrement. Un tout cas, ma thermos était pleine de bon café
et non pas d'un quelconque ersatz. Mon
alpenstock à portée de main, j'étais
paré pour explorer l'hinterland en
suivant le thalweg. Ne m'étant pas
encombré de mes skis, il n'y aurait pas de schuss
au programme."
- Edelweiss : de l'allemand Edelweiß (Edel = noble, weiß = blanc)
- Frichti : de l'alémanique alsacien fristick, apparenté à l'allemand Frühstück (petit-déjeuner)
- Bretzel : transcription phonétique de
l'allemand Brezel, du latin médiéval brachiolum (petit bras)
- Flasque : apparenté à Flasche (bouteille)
- Schnaps : en allemand
"eau-de-vie"
- Ersatz : succédané de mauvaise qualité
(Ersatz = remplacement)
- Alpenstock : bâton ferré pour les excursions
en montagne (Alpen = Alpes, Stock = bâton)
- Hinterland : littéralement
"arrière-pays"
- T(h)alweg : ligne de fond d'une vallée (Tal =
vallée, Weg = chemin)
- Schuss : de l'allemand Schussfahrt (descente à skis en ligne
droite)
"En regardant à
travers le vasistas à l'arrière de ma
maison, j'apercevais au loin un bunker,
à moins que ce ne fût un blockhaus
datant de la dernière guerre et de cette funeste époque où le régime nazi chercha
à imposer un diktat à toute l'Europe.
Malgré plusieurs tentatives, aucun putsch
ne réussit à mettre à bas le führer."
- Vasistas : de Was ist das (qu'est-ce-que c'est ?), question posée à travers un guichet, d'où le vasistas, petit vantail mobile pouvant s'ouvrir dans une porte ou une fenêtre. Sous la Révolution, le vasistas a désigné la lucarne de la guillotine !
- Bunker : à l'origine une soute ou un
entrepôt à charbon, par la suite un abri blindé et enterré. A également donné
le verbe bunkériser.
- Blockhaus : la "maison charpentée" est
devenue un ouvrage militaire défensif étayé de poutres et de rondins.
- Diktat : étymologiquement "chose
dictée" – par extension, volonté (généralement politique) imposée par la
force.
- Putsch : de l'alémanique : "coup,
action de pousser, mouvement en avant" ; aujourd'hui soulèvement
destiné à prendre le pouvoir, coup d'état.
- Führer : à l'origine "guide" –
se passe d'explications !
Si le football est un
sport d'origine anglaise, comme en témoigne la prononciation du mot ("ball"
prononcé "bol"), le handball,
lui, nous vient d'Allemagne et il convient de prononcer "balle" et
non "bol" comme on l'entend malheureusement trop souvent sur les
ondes. Avant de conclure ce billet, un dernier avertissement s'impose : ne
confondons pas le zeitgeist (l'esprit
du temps), un concept tiré de la philosophie allemande, avec un poltergeist ou esprit frappeur. Les deux
n'ont vraiment rien à voir !
Et puisque le leitmotiv – à l'origine un thème musical
récurrent dans une œuvre, par extension un thème ou une formule qui revient
régulièrement dans un texte ou un discours – de ce blog est d'explorer la
créativité de la langue française, comment ne pas rappeler l'origine
pittoresque de l'expression se faire
appeler Arthur : durant
l'Occupation en France, les Allemands avaient imposé un couvre-feu qui débutait
à vingt heures – en allemand acht Uhr. Pour rappeler à l'ordre les passants qui s'aventuraient
dans les rues après l'heure fatidique, les soldats allemands indiquaient leur
montre en disant acht Uhr ; les Français comprenaient Arthur : c'est
peut-être ainsi que de ce rappel à l'ordre est née l'expression se faire appeler Arthur.
Trinquons (de l'allemand "trinken" = "boire") plutôt à la santé de l'amitié franco-allemande !
Trinquons (de l'allemand "trinken" = "boire") plutôt à la santé de l'amitié franco-allemande !