« Longtemps je me
suis couché de bonne heure. » Cette phrase, sans doute l’une des plus
célèbres de la littérature française est l’incipit
de « Du côté de chez Swann », premier tome de « À la recherche
du temps perdu » de Marcel Proust. Un incipit,
du latin incipio, is, ere
(commencer), désigne les premiers mots d’un texte littéraire ou d’une œuvre
musicale chantée. « Allons enfants de la patrie » est l’incipit de la Marseillaise. Nous avons,
fort logiquement, commencé par cet exemple pour montrer toute la place que le
latin occupe dans notre langue.
Puisque nous avons débuté
avec la littérature, mentionnons l’ex
libris, du latin ex libris meis
(faisant partie de mes livres) qui désigne une inscription dans un livre identifiant
le propriétaire de celui-ci. Souvent, l’ex
libris prend la forme d’une vignette artistique collée sur le contre-plat
(l’intérieur de la couverture) ou la page de garde d’un livre. Certains ex libris sont de véritables œuvres
d’art.
Le latin est
omniprésent dans le domaine de la chose imprimée : par exemple un vadémécum (de vade mecum, « viens avec moi ») est un petit livre ou
guide qui renferme des renseignements utiles. A ne pas confondre avec un mémorandum ou mémo (de memorare, rappeler),
qui désigne une note ou une fiche rappelant des informations utiles. Et qu’en est-il des médias ? En latin, media
est le pluriel de medium (milieu).
Mais nos médias contemporains ont
transité par la langue anglaise où le terme de mass-media désigne des supports de très large diffusion. Mais un medium en français désigne tout à fait
autre chose et sans doute un medium
n’a-t-il pas besoin de médias pour
savoir ce qui se passe dans le monde.
A
priori et a posteriori sont suffisamment courants
et explicites pour se passer d’explication particulière. Plus rares, ex ante et ex post recouvrent un champ sémantique voisin, mais sont employés
dans des domaines plus spécialisés (notamment en finances). Nul ne contestera
que a contrario fait beaucoup plus
chic que « à l’opposé » et que a
minima est d’une autre classe que le banal « au moins » ou « au
minimum ».
Alors qu’on entend et
qu’on lit fréquemment mutatis mutandis
– ce qui devait être changé l’ayant été – autrement dit une comparaison pouvant
être établie en ayant fait abstraction des différences, on rencontre plus
rarement la locution voisine ceteris
paribus qui signifie « toutes choses égales par ailleurs ».
Finalement,
l’essentiel pour une langue vivante qui puise pourtant d’innombrables racines
dans cette langue morte qu’est le latin, est de ne jamais succomber au statu quo ; cette expression vient
de la locution latine in statu quo ante
qui signifie littéralement « en l’état où les choses étaient
auparavant ». Restons optimistes et ne craignons pas que la vivacité de la
belle langue française se trouve entravée par son enracinement latin et ne cédons
pas, comme les philosophes stoïciens, à la præmeditatio
malorum, autrement dit à l’anticipation de difficultés, d’obstacles qui ne
sont que les fruits d’une imagination pessimiste.
Devrai-je faire mon mea culpa pour vous avoir infligé cette
indigeste leçon de latin ? Ou me délivrerez-vous plutôt un satisfecit pour avoir modestement
contribué à étancher votre inextinguible soif d’apprendre ? A vous de
juger, mais, de grâce ne faites pas de cette question un casus belli.
Si, en rédigeant le
cinquantième billet de ce blog, je devais me rendre compte que je n’ai pas
choisi le bon modus operandi pour
promouvoir les charmes de la langue française, il ne me resterait plus qu’à
espérer que, tel un deus ex machina –
ce dieu qui, au théâtre, surgit à dernière minute des cintres pour dénouer une
situation désespérée - une soudaine illumination me remette dans le droit
chemin. A défaut, c’est dans le produit fermenté de la vigne que je devrais
chercher une consolation puisque, comme chacun sait, in vino veritas.
In
fine, chère
lectrice, cher lecteur, j’espère que vous aurez pris plaisir à lecture de ces
lignes, et qu’après un incipit
prometteur, vous ne vous serez pas sentis trahis par la conclusion de ce texte
et ne décréterez pas, par référence au redoutable scorpion, in cauda venenum.
Post
scriptum :
pour les nostalgiques du volumineux « Gaffiot », ce dictionnaire
latin-français qui a accompagné tous les latinistes, il est aujourd’hui
aisément accessible sur internet : https://www.lexilogos.com/latin/gaffiot.php
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