Quel rapport entre la grève au sens d'arrêt de travail, la grève en bord de mer et la Place de Grève où se déroulaient notamment les
exécutions durant l'Ancien régime ? Il faut remonter à l'étymologie latine : en
latin populaire (12ème siècle) grava
signifie gravier et a donc donné grève
(au sens de plage), tout comme graves (et
ses excellents vins de la rive gauche de la Garonne) ou encore gravats.
Quant à la Place de Grève, elle fut créée au 12ème
siècle sur décision du roi Louis le Jeune (Louis VII, né en 1120 et mort en
1180, qui régna de 1137 à 1180). Cette place, devenue en 1803 Place de l'Hôtel-de-Ville,
tire son nom du fait qu'elle était bordée d'une étendue de sable et de gravier
en bord de Seine ; ce fut l'un des principaux ports de Paris où l'on déchargeait,
du bois, du blé, du vin… Véritable centre d'activité économique, la Place de Grève était donc un lieu où les hommes
sans emploi trouvaient facilement du travail. Être en grève a ainsi pris la signification de "chercher du
travail" : attendre l'embauche Place de Grève.
Par métonymie, le
terme de grève a désigné le lieu où
se réunissaient les ouvriers sans travail. C'est vers le milieu du 19ème
siècle que grève prend finalement le
sens de cessation volontaire et collective du travail. Cette inversion de la
signification du mot grève est
étonnante.
La grève peut prendre de multiples formes :
Ø
Une grève surprise est déclenchée sans dépôt préalable d'un préavis
Ø Une grève peut être sauvage :
elle est alors décidée directement par les travailleurs en l'absence de toute
consigne syndicale
Ø On connaît aussi la grève tournante, qui frappe successivement différents ateliers ou
services d'une entreprise
Ø La grève sur le tas est un
mouvement dans lequel les travailleurs occupent leur lieu de travail
Ø Quant à la grève du zèle elle consiste à travailler en respectant
scrupuleusement toutes les consignes afin de ralentir l'accomplissement des tâches
Ø Au moment où nous écrivons ces lignes,
les cheminots ont déclenché une grève
perlée : c'est une succession discontinue d'arrêts de travail d'une durée
limitée
Ø Et il y a bien sûr la grève générale qui s'étend à tous les
secteurs d'activité dans le pays tout entier
Ø
Dans
certains cas, les grévistes forment un piquet
de grève, pour bloquer l'accès au lieu de travail des salariés
non-grévistes.
Quant aux briseurs de grève, on les appelle
parfois les jaunes, par référence au
syndicalisme jaune opposé aux Rouges. D'ailleurs dans un ouvrage de
1906 intitulé "Le Socialisme et les Jaunes", le député de Brest
Pierre Biétry, fondateur de la Fédération nationale des Jaunes de France, dénonce
les syndicats marxistes dirigés par "ces meneurs de la gréviculture [...], vivant du travail
des autres". Ce terme de gréviculture
– autrement dit la culture de la grève
– apparaît dès 1902 dans un dessin de presse du dessinateur Caran d'Ache paru
dans Le Figaro. Le terme fait déjà polémique à l'époque et n'a donc rien d'un
néologisme comme auraient pu le faire croire les débats récents autour de ce
terme.
Par extension, le terme grève a également pris le sens d'arrêt
d'une activité, comme par exemple dans grève
de la faim. Et, qui n'a pas rêvé, un jour, de faire la grève de l'impôt ? Enfin, nous ne serions pas complets, si nous
n'évoquions pas la grève du sexe,
dont l'exemple le plus célèbre se trouve dans la comédie Lysistrata
d'Aristophane où les femmes, menées par Lysistrata, se refusent à leurs maris
pour imposer la paix et mettre fin à la Guerre du Péloponnèse.