L’intérêt que nous allons porter aux armes à feu dans ce billet est strictement linguistique. Loin de moi l’idée de faire la promotion de ces engins mortifères qu’on aimerait bien voir disparaître de la surface du globe. Commençons par le fusil, très présent dans notre langue. En latin, focilis signifie « qui produit du feu » ; focilis petra désigne ainsi la pierre à feu, souvent un silex. À l’origine, un fusil est une pièce d’acier sur laquelle on bat un silex pour faire jaillir des étincelles, ce silex n’étant autre que la pierre à fusil. Les anciennes armes à feu étaient justement composées d’une pièce d’acier sur laquelle venait frapper un silex. Et c’est par métonymie que le terme de fusil a fini par désigner l’arme à feu qui comportait une telle pièce. Cela explique également pourquoi la tige d’acier utilisée pour aiguiser les couteaux s’appelle également fusil.
Si vous trouvez que l’addition qu’on vous a présentée au restaurant est un véritable coup de fusil, vous changerez peut-être d’établissement la prochaine fois. En adoptant une nouvelle stratégie pour choisir un autre restaurant vous aurez changé votre fusil d’épaule. Mais il y a fort à parier qu’après des agapes trop riches, vous vous écroulerez dans votre lit et dormirez alors peut-être en chien de fusil. Mais quel est donc ce bizarre canidé ? En fait, le chien était la pièce qui tenait le silex dans les anciens fusils et la forme de cette pièce ressemblait à un chien couché. Quant aux malheureux soldats qui, en 1914, sont partis à la guerre la fleur au fusil, leur insouciance, qui les avait peut-être conduits à planter une fleur dans le canon de leur fusil, allait bien vite être douchée par la plus effroyable des boucheries.
Autre arme à feu à l’étymologie singulière, le revolver. Ce terme nous vient de l’anglais to revolve (= tourner), issu du latin revolvere (=rouler en arrière). Ce nom fut créé par un colonel américain, Samuel Colt (à qui l’on doit le colt), inventeur du revolver, arme de poing caractérisée par un barillet qui tourne sur lui-même. Prenons garde à ne pas confondre revolver et pistolet. Si tous les revolvers sont bien des pistolets, un pistolet – c’est le terme générique pour désigner une arme à feu courte et portative - n’est pas nécessairement un revolver.
Le pistolet, lui, nous vient de l’allemand Pistole (qui veut dire pistolet), terme emprunté au tchèque píšťala désignant à l’origine un sifflet ou une flute, puis, par analogie de forme, une arme à feu portative. Beaucoup plus sympathique que le pistolet avec lequel on tire, citons le pistolet qu’on trouve dans toutes les boulangeries en Belgique et qui désigne un petit pain rond ou allongé. L’étymologie de ce dernier est controversée : pour les uns, le pistolet belge vient du latin pistor (= meunier, puis boulanger), lequel fournit ces petits pains. Mais selon d’autres étymologistes, leur nom vient de ce que ces petits pains, frappés d’une taxation abusive au XVIIe siècle, coûtaient presque une pistole (une monnaie ancienne) à Bruxelles. Ils furent dès lors surnommés pistooltje en flamand, c.-à-d. pistolet en français. Lorsque j’ai, pour la première fois, vu un pistolet fourré à l’américain sur la carte d’un café à Bruxelles, j’avoue m’être longuement creusé la tête pour comprendre de quoi il s’agissait.